Il est évident que lire ce récit sans aimer ou connaître Proust n'a pas vraiment de sens. Le titre est assez limpide à ce sujet.
Mais pour les quelques lecteurs de La Recherche (et Laure Murat démontre bien dans le livre à quel point ils sont peu nombreux), quel éblouissement !
Le récit suit une logique allant comme toute bonne élucidation de la présentation du problème à la clarification des enjeux et même une solution. Autour de cet axe directeur, les deux fils que tresse l'autrice sont son histoire familiale, aristocrate, et sa compréhension de la Recherche, ou, dans une version plus explicite, son rejet par son milieu et la critique acerbe de ce même milieu par Proust.
Les souvenirs d'enfance s'entrelacent aux différents stades de compréhension du projet proustien, passant d'un temps où l'amour régnait sans partage (de Laure Murat pour sa famille, du narrateur béjaune admirateur des Guermantes pour cette caste) à une époque où toutes les illusions sont abandonnées, laissant une vérité crue établir le seul rapport qu'un intrus peut avoir vis-à-vis d'une coterie qui ne survit uniquement que par l'exclusion de tous ceux qui ne respectent son adoration d'elle-même et de ses codes.
Le livre ainsi tramé, l'autrice ne manque pas d'y broder un peu d'humour, des passages d'analyse pertinents (ce qui n'est jamais facile dans un récit) ainsi qu'une nostalgie émouvante affleurant parfois.
Une vraie réussite, qui rend son lecteur plus clairvoyant.