D’aucuns le considéreraient comme trop classique, et nous n’irions pas jusqu’à leur donner tort : de fait, le premier volume du Riftwar Cycle, paru en 1982, possède tous les archétypes du récit de fantasy à la sauce Donjons et Dragons, dont il serait d’ailleurs un dérivé revendiqué par son auteur Raymond E. Feist. Pourtant, mes nombreuses lectures ne sauraient atténuer le tendre souvenir de la découverte : le plaisir demeure vivace et il me tarde déjà de (re)lire la suite.
Aussi, assumons donc la composante hautement conventionnelle de Magician: Apprentice, celui-ci constituant un exercice irréprochable dans un genre aujourd’hui éculé. Quoique pas aussi renommé que certains de ses pairs (à tous le moins chez nous), cette introduction à l’univers de Midkemia et sa mystérieuse « faille » pose avec brio les fondations d’un développement exquis, Feist usant de codes (certes connus) avec une cohérence et une envergure palpable : une promesse se retrouvant d’une certaine manière dans sa narration adepte de longues ellipses, comme si l’essentiel était à venir.
Néanmoins, le procédé ne se fait aucunement au détriment des événements présents : car sitôt passée une entrée en matière sage, Magician: Apprentice va ferrer notre attention au moyen d’une ribambelle de chouettes protagonistes, simples mais bien écrits, et d’enjeux aux multiples ramifications. Le roman convoque à ce titre aussi bien la magie que la politique (effleurée, mais à fort potentiel), une dimension bien entendu guerrière (douée d’une ampleur déjà grisante), une mythologie nébuleuse et un destin ne demandant qu’à dérouler son fil retors.
Ce serait ainsi un tort que de s’attarder sur ses plus évidents archétypes, d’autant que ceux-ci sont diversement bien abordé : par exemple, la romance entre Carline et Pug est des plus fines, ce qui tranche avec d’autres portraits bien plus unidimensionnels. De surcroît, bien que cela soit encore à préciser, l’application avec laquelle Feist tâche de nuancer tout élan manichéen tient de l’évidence : un état de fait attenant à la présence très secondaire d’entités binaires (elfes noirs et gobelins) et l’impact civilisationnel de l’envahisseur Tsurani – un adversaire en l’exergue du meilleur effet.
Bref, du classique de chez classique de bon aloi et un plaisir renouvelé une énième fois : Milamber, me voilà.