Critique de Qu'est-ce que la science ? par ohlenflure
fait le job
Par
le 24 sept. 2024
L’ouvrage commence comme un bon travail de vulgarisation, présentant clairement et efficacement les divers critères de scientificité, en commençant par l’inductivisme et le falsificationnisme (tous deux dans leurs versions les plus élémentaires, puis dans des versions plus sophistiquées), puis en exposant succinctement la pensée de Lakatos et de Kuhn. L’ouvrage fait un véritable effort d’accessibilité et de clarté, quitte à être un peu répétitif par moments. Les exemples tirés de l’histoire des sciences sont généralement compréhensibles même pour des non-initiés, à quelques exceptions près.
Une fois la pensée de Kuhn exposée, l’ouvrage ne passe pas directement à Feyerabend, comme le sous-titre le laisse indiquer, mais à une réflexion sur le conflit entre rationalisme et relativisme, Lakatos étant rangé du côté du premier et Kuhn du second, d’une manière quelque peu caricaturale (comme l’auteur l’admet lui-même). S’ensuit une présentation des théories de l’auteur sur « l’objectivisme » dont il faut faire preuve dans l’analyse du progrès scientifique, un objectivisme qui est opposé d’une manière assez peu claire à la démarche de Lakatos, qui avait pourtant été précédemment rangé dans les défenseurs de ce courant.
Dans les derniers chapitres, l’exposition rapide de la pensée de Feyerabend ne donne pas du tout envie de s’intéresser davantage à cet auteur, qui prône l’importance d’un libre choix dans l’adhésion à la science ou (par exemple) au vaudou, ce qui n’a pas l’air de choquer plus que cela l’auteur de l’ouvrage. L’idée qu’il faudrait contester le fait que la science est un modèle de rationalité apparait de plus en plus souvent au fil de l’œuvre. Il est par exemple reproché à Lakatos et à Kuhn d’avoir associé science et rationalité sans l’avoir justifié, ce qui est pourtant une position d’un tel bon sens qu’on voit mal ce qu’il y a là de si blâmable. L’auteur finit même par délégitimer explicitement la question qui donne son nom à son ouvrage, affirmant qu’il n’y a pas de raison de catégoriser une forme de savoir comme scientifique puisqu’il existe d’autres formes de savoir (ce n’est pas davantage argumenté). Même s’il rejette l’étiquette de relativiste, l’auteur semble pencher du côté de ce courant lorsqu’il fait ce type de remarques.
Vers la fin de l’ouvrage, de nombreux sous-entendus politiques apparaissent ici et là. Il s’agit en général d’affirmer que la défense non-distanciée de la valeur de la méthode scientifique fait le jeu d’une forme de conservatisme social (dont on comprend à demi-mots qu’il est au service du capitalisme) et que c’est pourquoi il convient de s’en éloigner. La démarche de Feyerabend ne semble ainsi critiquable que parce que, affirmant que tout se vaut, elle ne permet pas de réformer l’état de la société. On semble là s’éloigner de la question de la science. L’objectivisme défendu par l’auteur est plusieurs fois associé à l’analyse marxiste des conditions d’action sociale, qui se veut également objective. Pour autant, l’auteur ne va jamais jusqu’à donner clairement sa position sur le marxisme. Ces diverses remarques à teneur politique ne sont jamais suffisamment développées pour qu’elles soient intéressantes sur le plan argumentatif, mais elles deviennent suffisamment fréquentes à la fin de l’ouvrage pour faire douter de l’impartialité de son auteur.
Créée
le 19 juil. 2024
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