La grâce de l'alchimiste
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Suspect : la loxosceles reclusa,dite l'araignée recluse. Longueur : entre 0,6 et 2 centimètres. Nombre de victimes : trois à l'heure actuelle. Dossier suivi par le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg.
Des protagonistes dignes des Caractères
Dans le Paris du XXIème siècle, « la grande ville de pierre », le commissaire pyrénéen Jean-Baptiste Adamsberg « toujours un peu tanguant », « venteux et ondoyant », résout des affaires criminelles comme d'autres se dégourdissent les jambes : en flânant, marchant, rêvassant.
Comme depuis huit romans, il est épaulé par son adjoint, Adrien Danglard, « à la mémoire phénoménale », auxquels se sont ajoutés nombre de coéquipiers : « la massive et robuste » Violette Retancourt, puis Veyrenc, qui parle régulièrement en alexandrins boiteux, Froissy aux inépuisables réserves de nourriture, Voisenet « frustré dès sa jeunesse d'une carrière passionnée d'ichtyologue », Mercadet l'hypersomniaque et j'en passe et des meilleurs.
Une plume habile qui réussit à être riche sans peser
Au delà de leur surprenante présence dans un commissariat, ces personnages orignaux sont servis par le style bien particulier de Fred Vergas : ses phrases sont courtes et incisives, mêlant mots rares exhumés des tréfonds de la langue française et la trivialité des vulgarités ordinaires : du « inexpugnable ? C'est le mot, Danglard ? » au « Qu'est ce que vous me voulez, merde ? ». En résulte un style hagard, un peu brumeux, comme le personnage principal, un style qui semble réfléchir en écrivant. Vargas aime les mots, elle les décompose : « Danglard avait réfléchi à voix haute sur l'étymologie du terme Loxosceles, alors que nul ne lui avait rien demandé. De loxo, « oblique », et par extension « qui ne marche pas droit », « vicelard ». Et peut-être de celer, « qui se cache ». La vicelarde qui se cache? Mais cela ne satisfaisait pas Danglard de mêler des racines grecque et latine. ». On s'amuse, dans la Brigade criminelle, des situations comiques les plus absurdes et plaisanteries parfois peu subtiles et pourtant si plaisantes :
« Mais c'est vrai que ce portable fait des « i » à la place des « e » et des « o » à la place des « p ».
- C'est cela. Donc si vous recevez un message tel que « Ji oars », ce sera de moi. ».
Le poids de l'histoire
Car Fred Vargas, sous ses atours de romancière à succès, est une médiéviste, une archéozoologue. Formation idéale pour aborder n'importe quelle recluse. Ces passions reviennent enrichir ses romans, le plus célèbre étant Pars vite et reviens tard, sans surprise de la part de l'auteure de Les Chemins de la peste, le rat, la puce et l'homme , paru en 2003 aux Presses Universitaires de Rennes. Elle a récemment été récompensée par le Prix Princesses des Asturies, en mai dernier, pour l'ensemble de son oeuvre. Outre l'en-deçà des Pyrénées, un prix allemand et six prix français ont déjà reconnu ses différents romans.
Ce petit dernier-né de la série se démarque de ses grands frères : la galerie de personnages s'est considérablement élargie au fil des tomes, et l'auteure court après les pages pour tous les évoquer ou enrichir. Le roman s'alourdit ainsi d'enquêtes parallèles, qui ralentissent le début de l'intrigue principale.
Malgré sa relative lenteur, Quand sort la recluse est un roman fluide et facile à lire, qui réchauffe les rudes soirées d'hiver et recèle pourtant une noirceur à vous faire frémir. Les mystères de Vargas sont macabres et glauques, mais son style pétillant rend plaisantes même les noires profondeurs de l'âme humaine.
« Il avait oublié qu'il y a un temps, il était commissaire, à la tête des vingt-sept agents de la Brigade criminelle de Paris, 13e arrondissement. Son téléphone était tombé dans les excréments d'une brebis et la bête l'y avait enfoncé d'un coup de sabot précis, sans agressivité. Ce qui était une manière inédite de perdre son portable, et Adamsberg l'avait appréciée à sa juste valeur. »
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le 30 déc. 2018
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