Que ma joie demeure n'est pas le roman le plus aisé à lire de Giono.
Sous forme de fable mystique, l'auteur nous propose à la fois :
- la colonne vertébrale d'une société utopique,
- une impasse individuelle liée aux gènes de l'être humain.
Bref une histoire relativement complexe à décrypter.
En préambule un mot sur le style.
Le roman est écrit dans une forme assez proche de ses autres ouvrages.
Avec des mots et des expressions simples et proches de la ruralité.
Les images qui se dégagent des paysages et des situations sont donc vivaces et pleines d'aspérités.
En somme le style Giono dans toute sa splendeur puisque le récit s'étend dans une longueur rare (presque 500 pages).
Sur le fond, Que ma joie demeure est il un livre optimiste ou profondément pessimiste ?
1er élément de réponse : on parcourt le roman comme on le ferait avec la Bible.
Tout d'abord, la figure de Bobi n'est ni plus moins celle du Christ revisité.
Celle qui guérit les "lépreux" de la vie, au sens figuratif c'est-à-dire les âmes en peine.
C'est aussi Bobi qui - dans cette version athée voire communiste du Messie - apportera la joie en enseignant le bénéfice de l'inutile et surtout la distance vis-à-vis de l'argent.
Bref le livre nous fournit les rudiments pour profiter de la vie :
- produire moins pour être plus heureux,
- cultiver la faune et la flore pour elles-mêmes c'est-à-dire pour leur beauté,
- se délivrer du poids de la propriété, notamment en mettant en commun travail et moyens.
Cependant, la joie collective qui semble naître au fil des pages du récit ne peut se départir d'une ambiance menaçante.
La nature est omniprésente et l'on comprend bien que la pluie peut être synonyme d'inondations, que le soleil de sécheresse...
Au-delà, le roman nous réserve d'autres drames
avec en ultime point d'orgue suicides et mort foudroyée.
Bref, quand bien même la société profiterait-elle dans son ensemble d'un élèvement, chaque individu reste sous la menace de l'épée de Damoclès de nos gènes.
Ceux de la maladie.
Mais aussi ceux de l'égoïsme narcissique qui met en péril le groupe.
Et surtout celle du désir de la femme (Giono aurait il un petit côté misogyne ?) source de bien des tensions et des malheurs.
En résumé, Que ma joie demeure est une fable qui nous éclaire autant sur les sources d'une joie simple que sur le sort de l'humanité qui est fatalement dramatique.
Une fable magnifique aussi optimiste que pessimiste.
Mais n'est-ce pas profondément l'essence de la vie ?