Je tiens juste à dire que je n’ai pas noté ce livre en fonction de sa qualité littéraire ou poétique ou je ne sais quoi (parce que peut-être qu’en tenant compte uniquement de critères d’intérêt, d’apport, de renouvellement, de modelage littéraire, oui, ce recueil ne vaudrait que 6 ou 7, mais il y a un truc qui est formidable, c’est que je suis une humaine avec une sensibilité personnelle aux choses. Si, si). Alors le coup, ce sera 9. Voilà.
« Quelque chose noir », ce n’est pas un recueil qui contient des choses très transcendantes, et je ne crois pas qu’il ait été conçu de cette manière, d’ailleurs. C’est un recueil qui ne se tiendrait pas sans une certaine symétrie, un 9/9/9 un peu oppressant sur les bords, tout le temps cette régularité dans le nombre de vers, de strophes, comme une contrainte que le poète s’impose à lui-même (je crois qu’on appelle ça la neuvine, ou quelque chose dans le genre). Alors c’est vrai que techniquement il y a peu de renouvellement, les mêmes sujets reviennent souvent, les mêmes idées, bien qu’elles se disent et se contredisent encore, se choquent et se rapprochent d’un poème à un autre. C’est vrai que finalement, je pense que ces contraintes et ces répétitions donnent un côté un peu trop dense à l’ensemble, qui ne serait pas en prenant chaque poème séparément, et ceci, ajouté au manque de légèreté de certains passages, confère à l’ensemble quelque chose de parfois trop étouffant, de peu intéressant. Et puis parfois, il y a quelques fragments qui sont des bourdes quand même, je veux dire, de mon point de vue de lecteur, car on ne peut pas le dire de l’auteur.
Mais.
Mais malgré ces points qui sont, je pense, ce que l’on peut reprocher aux poèmes de « Quelque chose noir » sans être de mauvaise foi, je crois que je n’ai jamais approché la mort d’aussi près, je veux dire, cette mort contradictoire non seulement de corps mais aussi d’esprit, qui ose à peine laisser quelqu’un derrière elle – ou serait-ce dans un autre monde, un monde de photographies, celui quand, la nuit, des chaussures deviennent un pub anglais avec cette ambiance toute particulière au pays de la pluie ? Il y a dans les répétitions de Roubaud quelque chose de touchant, qui tient un peu du génie parce que ses images rappellent à tout le monde mais sans perdre leur individualité, la conscience de Roubaud, du poète, et partout, il y a son histoire qui pourtant ne peut que parler, parce qu’elle n’a rien de bien extraordinaire cette histoire, sinon d’avoir été écrite par lui, et touchée, et expérimentée, du fond de SA nuit ; et partout, entre les pages, la présence d’Alix Cleo, cette présence que j’aurais voulue connaitre, mais qui ne se manifeste que par une ombre, ou bien par un monde parallèle et par un téléphone qui ne sonne pas, par des histoires d’endroits et de l’envers. Et puis la mort. Il y a sa présence, partout, et je trouve ça incroyable sa réflexion lâche dans le quotidien, sa réflexion à la fois si difficile, si soufflée, et sa réflexion si humaine, et la mort encore, encore, encore.
Voilà. Il n’y a rien d’exceptionnel, mais je suis humaine, et j’ai été touchée je pense, par la détresse qui y transperce, mais toujours cette détresse lâche si proche de la mort, qui ne veut pas partir, et qui se cache au coin d’une église, ou d’une chaise qui n’a pas bougé depuis deux ans.
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