Another brick in the wall.
Avec la publication de "Rage" en 1977, apparait un nouvel écrivain du nom de Richard Bachman, qui sera démasqué quelques années plus tard par un fan ayant reconnu derrière ce pseudonyme Stephen King en personne. A travers cette double identité, l'auteur de "Salem" souhaitait s'éloigner de l'épouvante et proposer des récits plus critiques, plus contestataires, et qui ne se vendraient pas sous son seul nom. King tuera symboliquement Bachman dans les années 90.
Roman le plus controversé du King, "Rage" verra sa publication stoppée en 1999 par l'auteur lui-même, suite aux nombreuses fusillades ayant eu lieux dans des établissements scolaires, la plus célèbre étant celle de Columbine. Presque à chaque fois, un exemplaire du livre sera retrouvé au domicile ou dans le casier des assassins. Si King reconnaît que ce n'est pas l'art qui engendre une violence déjà existante, il ne souhaite pas pour autant attiser le feu et sacrifie donc "Rage", devenu quasiment introuvable.
Loin d'être aussi extrême que ne le laisse supposer sa réputation, si l'on excepte bien entendu les premières pages et l'inconfort de parcourir un récit narré du seul point de vue d'un jeune garçon dérangé, "Rage" est surtout une étude de caractère plus intéressante que réellement passionnante, limité dans son intrigue mais court et pertinent dans sa vision de l'adolescence.
Continuant l'exploration d'une jeunesse contrariée qu'il avait déjà esquissé dans "Carrie", Stephen King met en scène une sorte de thérapie de groupe où les apparences et les masques tombent rapidement, dévoilant des êtres en construction bien plus complexes et névrosés, finalement peu éloignés d'un anti-héros broyé par un système éducatif à la ramasse et par un machisme paternel d'un autre âge.
Violente critique des institutions doublée d'une plongée dérangeante dans un esprit fragile, "Rage" est une curiosité à lire pour la pertinence de son propos et pour voir un King s'éloigner de son style habituel avec un talent certain.