Chef d'oeuvre précurseur du courant "survivaliste", et générateur de la série de films de Sylvester Stallone, lire Rambo était incontournable, après une après-midi passée à chiner les livres. 25 ans après en avoir goûté les subtilités visuelles, après que Rambo ne soit devenu le premier vrai film d'action (et non un film où sont situées des scènes d'action), après les montées en puissance, les flops ou les figurines devenues cultes... Tomber sur ce petit livre gratuit, offert par "33 export", oui, oui, la marque de bière.... me mettait une première claque en me rappelant que Rambo était tout d'abord un livre.
Non, Stallone n'a pas crée Rambo. Seul Rocky peut se targuer de la chose.
C'est dans un contexte de guerre du Viet-Nam, et dans un pays scarifié par la honte, la défaite et la culpabilité, que nait l'oeuvre de David Morrell, le conflit s'étant achevé en 1975, mais les troupes américaines s'étant définitivement retirées en 1973.
L'écriture dépeint une oppression omniprésente rarement rencontrée pour l'époque. L'histoire débute sur l'opposition d'un vétéran de la guerre de Corée au bout du rouleau, converti en flic pantouflard, et n'ayant plus rien à perdre -sa femme l'ayant quitté- à John Rambo, fraîchement démilitarisé du Vietnam, encore empreint de ses réflexes de combattant, de sa violence et ses traumatismes.
La fierté militaire et l'obstination sont les éléments qui les rassembleront, qui les opposeront, et provoqueront une ténacité macabre. Le livre nous offre d'emblée la sensation qu'un des deux y laissera sa peau, et donne le ton immédiatement. L'acharnement y est incroyable, dans une cohérence la plus totale, et pousse le lecteur à s'interroger sur la limite de la sauvagerie.
Si le film -pour une probable histoire monétaire- dépeint un John Rambo relativement compatissant, laissant en vie ses victimes, il n'en est rien lors de l'oeuvre de Morrell qui rend le héros jusqu'au boutiste, persuadé de son bon droit, en faisant ressortir davantage les conséquences du "stress post traumatique militaire" que les films n'auront jamais su faire. Sa violence n'a d'égale que sa foi en ses justifications, et l'on y trouve un plaisir assez cruel.
Après la classique introduction des protagonistes s'installent les personnages tels qu'on les connait, comme le général Trautman, et d'autres secondaires, bien moins passionnants que le scénario de traque lui-même, permettant simplement de mettre en relief les aspects des deux chiens en rage qui s'affrontent.
Une oeuvre magistrale de traque, de pression continuelle, haletante. Deux sessions de lecture ont été nécessaires pour achever ce petit roman impressionnant et visionnaire pour l'époque, dépeignant déjà le marginalisme dans lequel allaient s'enfoncer les vrais anciens combattants rejetés par la société américaine, honteuse d'avoir envoyé ses enfants en tuer d'autres.. La médiatisation et la propagande des images de guerre se développant en plein milieu d'une humanité enfoncée dans le courant hippie ne pouvait donner qu'un contraste exceptionnel à un livre fort, réaliste, presqu'à la couleur biographique.
Les difficultés d'insertion, y compris professionnelles, après avoir été le fleuron et la fierté de l'Amérique, conduisent à l'incompréhension, puis à la folie John Rambo. Lors de son aventure, l'on finit par encourager sont retour à cette forêt qui devient sienne, cette jungle, cet univers de traque et d'oppression, de guerre, où il retrouve ses marques, bien mieux que dans l'univers pacifiquement hostile de la vie civile américaine pour laquelle il était prêt à donner sa vie.
Remarquable de justesse.