Je suis originaire de Bigorre. Même si ce n'est pas le même coin, j'ai toujours aimé le pays basque, avant qu'il ne devienne la chasse gardée des vieillards parisiens. C'est la première fois que je lis un roman d'un auteur prestigieux sur mes Pyrénées natales. Et ce n'est que mon premier Pierre Loti.
Ce que j'aime le plus dans cet ouvrage, ce ne sont pas les descriptions des paysages. Loti, en marin, est au fonds plus sensible aux changements de temps qu'aux paysages mêmes, je trouve qu'il ne rend pas autant qu'il le pourrait hommage à mes belles Pyrénées. Ce que j'ai le plus apprécié, et qui n'est pas si simple, c'est le sentiment de candeur que fait passer Loti dans ses deux personnages principaux.
Ramuntcho est un jeune homme à moitié basque, ce qui le place un peu à part dans le village où il vit avec sa mère, qui l'élève seul. Proche de la majorité, le jeune homme est un champion de pelote basque, et aide souvent des convois de contrebandiers qui déjouent les patrouilles espagnoles et françaises. Et évidemment, il y a une fille, Gracieuse, évidemment fille de l'ennemie intime de la mère au village. Les deux amoureux roucoulent avec une candeur vraiment touchante. Loti brosse des eaux-fortes de la vie en pays basque : la messe ; le championnat de pelote ; le retour de nuit des contrebandiers ; la fête au village avec le fandango. Il y a un côté un peu carte postale, avec la touche d'orientalisme quand des musiciens venus d'Espagne grattent leur guitare. C'est là que je vois un peu les limites de Loti.
Et puis il y a le dénouement, qui occupe la deuxième partie de l'ouvrage.
Un oncle d'Argentine propose à Ramuntcho de partir le rejoindre en lui promettant une belle situation. Hélas, le jeune homme a rempli les papiers pour sa naturalisation comme français, ce qui l'oblige à un service militaire de trois ans. Pendant son absence, la mère de Gracieuse place celle-ci au couvent. Et quand Ramuntcho revient et prépare avec le frère de sa fiancée, Arrochkoa, l'enlèvement de la jeune femme, il trouve non plus Gracieuse, mais la soeur Marie-Angélique, qui a renoncé au monde définitivement. Le jeune homme, aux rêves brisés, se prépare à passer aux Amériques même si la promesse de son oncle n'est plus valable.
Le dénouement est un peu mélodramatique pour être mélodramatique. On comprend vite ce qui va se passer et Loti fait trop traîner la scène en longueur à mon goût. Il dégage cependant une forme de tristesse assez fidèle à l'esprit de la région. C'est d'ailleurs le principal compliment que je ferais au livre de Loti : outre qu'il sait brosser les rêves candides d'un couple de jeunes amants, il a su capter que la principale beauté des Pyrénées vient d'une certaine forme de beauté dans la tristesse et dans un vague sentiment de résignation, de relégation.
Ramuntcho n'est pas un documentaire sur le Pays Basque, plutôt un mélodrame avec des scènes qui ressemblent un peu à des eaux-fortes.