Tourments amoureux au pays basque
Ramuntcho n'a pas la force des meilleurs textes de Loti car c'est un roman inégal. La première partie est très inférieure à la seconde, il faut donc se donner la peine d'aller jusqu'au bout, car on retrouve Loti à son zénith après une première partie laborieuse et qui ne lésine pas sur des éléments de couleur locale trop gratuits et sans motivation précise avec le déroulement du récit.
Ramuntcho est l'histoire d'un jeune garçon du pays basque élevé par sa mère, car le père a abandonné le foyer très tôt. Il se lance dans la contrebande avec ses camarades et joue à la pelote. Il tombe amoureux de Gracieuse, mais dont la mère déteste la sienne. Ayant fait la demande de la nationalité française, Ramuntcho part faire un service militaire de trois ans. Pendant ces trois longues années, Gracieuse voyant l'hostilité de sa mère à son mariage avec Ramuntcho, décide de rentrer au couvent. Ramuntcho revient au village, avec l'idée de se marier avec sa bien-aimée. C'est alors qu'il découvre la vérité et fomente avec le frère de Gracieuse un projet, mais qu'il n'arrivera pas à mettre en œuvre.
La première partie fleure bon l'eau de rose et Loti, qui excelle dans la description des souffrances amoureuses et des sentiments de perte, semble s'ennuyer lui-même dans cette bluette presque insignifiante agrémentée des sorties à la messe et des parties de pelote basque. Le ton et la qualité littéraires changent considérablement dans la seconde partie, qui est celle du retour dans son village de Ramuntcho après son service militaire.
Il va alors vivre une phase d'apprentissage de la vie : celle de la souffrance, de l'éloignement, de l'absence d'espoir. Cette phase va le pousser à prendre une décision pour tenter de reprendre en main son destin mais ce sera un échec. Le roman se termine sur cette déchirante séquence du renoncement. Loti va restituer avec la force qu'on lui connait les tourments amoureux de son personnage, avec la précision d'écriture, la profondeur, la sensibilité et la délicatesse qu'on retrouve dans ses plus grandes réussites littéraires. Il fait de cette seconde partie une réflexion sur le sens de la vie, sur l'aspiration profonde à la fusion entre deux êtres.
Ce décalage de valeur littéraire entre deux parties très différentes est une sorte de baromètre du talent de Loti et sur sa capacité à approfondir ses thèmes de prédilection. Contrairement à ce qui est souvent avancé à propos de ce roman, sa dimension régionale basque me semble totalement secondaire, tant elle est ornementale et non pas constitutive de l'action, contrairement à Pêcheur d'Islande, où les personnages et les situations sont directement inspirés par la spécificité des vies des "islandais".