Un amour trop fusionnel pour être vrai ?

Le destin est très ironique et offre à Lamartine les plus propices évènements à son romantisme. Raphaël (qui est en fait Lamartine) vagabonde près de Chambéry dans un hôtel au bord d'un lac, il aperçoit une femme sublime, discrète et n'ose l'approcher, mais l'admire déjà. Il n'admire pas seulement le physique, son aura seule semble l'attirer sans même la connaître. Sans être timide, un respect presque sacré envers l'intimité des autres l'empêche de communiquer avec elle. La rencontre fut provoquée par le destin au moment d'une excursion en bateau sur le lac en pleine tempête pendant laquelle Raphaël sauta de son bateau et la secourut héroïquement, la ramena au large la porta, la soigna. Toutes les barrières physiques étaient alors levées pour mieux la connaître et échanger quelques mots avec elle. Le premier contact est toutefois mystérieux, la pudeur reste très présente, d'un côté comme de l'autre. Une seconde rencontre hasardeuse acheva de briser les barrières entre eux. Ils se confient enfin. chacun se demande pourquoi l'autre passe autant de temps à errer sur ce Lac en pleine autonome à cet âge (ils ont chacun près de 30 ans). En réalité, les deux personnes errent sans but, Raphaël, sans être dépressif, se complait dans la solitude, la nature, il pourrait passer pour misanthrope mais ne l'est pas. Julie a un peu le même caractère, mais sa vie personnelle aggrave sa situation. Orpheline, recueillie par un vieil homme très cultivé qui a pourvu seul à son éducation, elle a baigné dans une éducation très philosophique, profondément athée. Ses pensées philosophiques la poussent à se reconnecter à la nature mais contribuent aussi à sa solitude morbide, elle semble ne pas vivre dans le présent, elle se pose sans doute trop de questions existentielles. Elle a surtout une obsession pour la mort. Elle se sait atteinte d'une tuberculose qui devrait bientôt la condamner définitivement et ne recherche plus rien. Elle semble attendre avec enthousiasme et impatience la mort dans le berceau de la nature. Le geste héroïque de Raphaël fut un éclair dans sa vie, elle développa un engouement progressif pour Raphaël qui est autant son sauveur au sens physique que moral, son état de santé s'améliore même progressivement par sa présence. Elle est partagée entre une résistance ferme à tout attachement envers lui et cette sensation incontrôlable du romantisme, qui prendra brièvement le dessus pour former un amour réciproque et soudainement fusionnel. Raphaël aime son esprit fin, ses paroles rares et profondes, jusqu'a même préférer le silence entre eux aux paroles. Julie fait pourtant tout pour le dissuader d'un amour nocif, qu'elle serait trop dépressive pour établir une relation. Sûr de lui, Raphaël persiste et sait qu'il a trouvé un être rare et sensible. Julie, qui est autant étonnée que charmée de la persévérance de Raphaël et s'abandonne totalement à lui, elle qui n'a rien à perdre. Leur extase commune est ponctuée de mélancolie éphémère de Julie qui craint faire souffrir Raphaël tôt ou tard. Le voyage à Chambéry est longuement prolongée par les deux personnages, où Lamartine excelle dans l'art de romancer le moindre détail de la nature, de leurs promenades variées.

De retour sur Paris, Julie sera séparée temporairement de Raphaël qui fera alors tout pour la rejoindre, ils se rencontreront mais Julie deviendra de plus en plus mélancolique, elle sait que sa fin est proche et cache son état de santé à Raphaël.

Le style est très métaphorique et surtout très profond, sincère car c'est à 99% autobiographique.