Sympathique bouquin pas très long regroupant à la fois à proprement parler "les récits d'un jeune médecin" ainsi que deux nouvelles "morphine" et "les aventures singulières d'un docteur" qui fonctionnent assez bien les unes à la suite des autres.
La première partie est très intéressante et narre les aventures d'un jeune médecin tout juste sorti de l'université dans son premier poste au fin-fond de la campagne Russe, perdu loin de toute aide et qui se retrouve donc du jour au lendemain livré à lui-même, quelque peu écrasé à la fois par le poids de la responsabilité, par son angoisse et ses doutes envers ses propres compétences.
Les chapitres sont construits à peu près tous autour d'un cas médical différent dans un ordre plus ou moins chronologique.
Boulgakov étant l'auteur que l'on connait, le style littéraire est très agréable et fluide et fort bien immersif, il faut le dire.
Cependant si les premiers cas sont très intéressants quant à la description de la position angoissante du médecin doutant de lui face à une opération sensible, elle devient un peu répétitive à la longue car suivant toujours la même construction: le médecin doute de ses compétences, une opération très difficile se présente, il stresse à mort et voudrait se trouver à la ville avec de l'aide, puis finalement face à l'urgence il retrouve tous ses moyens et fait une opération d'une virtuosité digne d'un doyen en chirurgie et quand l'infirmière lui dit qu'il a géré il se demande si elle se moque de lui et puis en fait non elle ne se moque pas et il est trop fort.
Voilà.
Au risque de faire un spoiler, le fait qu'il ne nous décrive pas un seul cas où le patient décède mais uniquement des cas de miracles chirurgicaux casse un peu le suspense. C'est dire, en vérité le seul décès de patient n'est pas du tout de son fait mais simplement lié au fait qu'il arrive trop tard quand un confrère lui demande de venir l'aider.
On a un peu l'impression qu'il se donne le beau rôle.
M'enfin je suis sympa, je lui laisse le bénéfice du doute: peut-être qu'il n'a effectivement jamais rien foiré et qu'il est le mozart de la chirurgie.
Mais dans ce cas-là, on peut se dire que c'est tout de même dommage que Boulgakov ait laissé tomber la médecine pour devenir écrivain ^_^
La deuxième partie (Morphine) est un récit vraiment très passionnant, ai-je trouvé.
Il décrit l'histoire d'un médecin devenant morphinomane rapportée via le journal de ce dernier qu'il lègue à Boulgakov.
La descente progressive aux enfers est bien rendue, avec sa cyclothymie selon si le sujet vient juste de s'injecter le produit et est encore dans un état euphorique ou si le contre-coup dépressif l'a saisi. On observe au fil du temps que les périodes dépressives prennent de plus en plus le dessus sur l'euphorie jusqu'à aboutir à une issue fatale.
Il est à noter que Boulgakov ayant lui-même été morphinomane après un typhus, le récit comporte certainement une part auto-biographique bien que l'auteur prête ici l'expérience à une tierce personne.
La dernière partie quant à elle m'a laissée un peu étonnée et n'a pas vraiment d'intérêt à mes yeux tant sa construction lacunaire est bizarre (c'est sensé être des parties d'un journal d'un médecin de guerre dont des passages entiers n'auraient pas été lisibles. Donc c'est tout lacunaire et voilà).