Aubignane se meurt. Petit village perché, au bord d’un plateau inculte. Nature âpre, vie ingrate. Difficile. Les habitants sont tous morts ou partis pour la plaine. Presque tous : il ne reste que Mamèche, le Père Gaubert et Panturle.
On ne se bouscule pas dans les rues, on ne fait pas la queue à la boulangerie (le boulanger a plié ses gaules depuis belle lurette), le facteur ne passe plus depuis longtemps et plus rien ne monte jusque-là qu’on ne soit d’abord descendu chercher soi-même. Quand Gaubert, le forgeron octogénaire, part à son tour, la Mamèche en prend un coup au moral. Le trio gagnant n’est plus qu’un duo et il devient urgent de trouver une idée si l’on souhaite enrayer l’hémorragie.
La solution : du sang neuf ! La solution : la femme. La femme : ses rondeurs, sa matrice, son pouvoir d’enfanter et de redonner son allant à un homme devenu ours. « Je vais aller te la chercher cette femme » dit-elle tout à coup à Panturle. « Une femme ! qu’il répond. Et où comptes-tu en trouver une qui accepte de venir jusqu’ici (et d’y rester) ? »
Dubitatif qu’il est le Panturle. Et s’il ne savait pas que Mamèche n’avait rien d’une grande blagueuse, il s’en serait tapé les cuisses. Un matin, pourtant, la vieille femme n’est plus là. Partie à la pêche à la reproductrice ou partie pour de bon ?
Dans la vallée, Gédémus le rémouleur itinérant entreprend le voyage de Manosque à Banon. L’homme est un peu cossard et il fut bien heureux, deux ans plus tôt, de trouver Arsule qu’il utilise aussitôt comme bête de somme : la femme tire pour lui la lourde carriole sur laquelle voyagent tous les ustensiles de l’artisan.
Alors que le couple passait sous le village moribond, étrangement dérouté et poussé là par une forme noire « qui fait hop », Arsule fait la connaissance de Panturle et choisit de le suivre chez lui.
Avec la femme désormais dans la place, le destin du village vira à 180 degrés…
Troisième volet de la trilogie de pan : le plus intéressant à mon sens. Giono signe un nouveau roman provençal qui nous emporte dans les collines au pied de la Montagne de Lure, entre Manosque, Mane, Banon et Reillanne. Une fort belle région qui sent bon le thym et le romarin.
Une écriture brute de fonderie, des phrases grossièrement équarries à la serpe, une foultitude de mots et d’expressions empruntés à la langue d’Oc, le soleil généreux. Et le mistral entêtant.
Quelle ambiance !