Denis Tillinac n'a jamais été un écrivain à la mode. Même dans les années 80, sa décennie la plus féconde, on parlait davantage de ses cadets, héritiers de Roger Nimier, les Patrick Besson, Eric Neuhoff, Didier van Cauwelaert ... Peut-être parce qu'il a toujours été plus provincial que parisien et à l'écart du tumulte littéraire. Membre de l'Ecole de Brive, Tillinac a chanté la Corrèze, le rugby et des valeurs dites conservatrices. Retiens ma nuit, son dernier roman, a été délocalisée sur les rives de la Loire, à Blois et dans les environs, dans ce département du Loir-et-Cher qui symbolise une certaine image rustique et assoupie de la France. Et où le spleen se mêle bien aux paysages ligériens ? Les deux narrateurs du livre, la soixantaine, ont en tous cas étaient surpris par une attraction amoureuse qui a quelque chose d'adolescente et les dépasse quelque peu. De là à remettre leur existence rangée en cause (conjoints, descendance), non, mais de lui donner un nouveau sens, oui. Bien que cette passion soit obligatoirement clandestine, ils ne pourront désormais plus s'en passer. Mensonges, culpabilité, adultère : certes, ces mots là sont prononcés mais ne constituent pas l'essence de leur relation. A partir du moment où ils évitent de faire du mal à leurs proches et où ils connaissent un nouveau printemps ensemble, pas aussi souvent qu'ils le voudraient mais la frustration est compensée par le bonheur de s'être trouvés, même s'il est déjà très tard dans leur vie. Retiens la nuit est un peu suranné dans sa forme et dans son récit, somme toute assez statique et pauvre en dramatisation. Le charme en est désuet, avec un arrière-plan social qui rappelle les atmosphères chabroliennes, voire balzaciennes. Pas de quoi se relever la nuit mais on ne s'endort pas non plus en lisant ce roman qui poursuit son cours tranquillement comme la Loire. Certains disent que la vie commence à 60 ans, c'est possible. Mais ce qui est certain c'est que l'amour, lui, n'a pas d'âge pour faire s'emballer les coeurs.