Alors oui c'est bien écrit, c'est tout ce qu'on veut, sensible, psychologue, délicat, romantique, mais Henry James, comme tous les américains dès qu'ils s'approchent de l'Italie, ne résiste pas à l'avalanche de clichés.
Au premier degré, les lieux et les œuvres d'art rencontrées sont toutes à couper le souffle, abandonnées au regard du voyageur courageux qui ne manquera pas d'aérer son récit par d'ampoulées descriptions de sa communion intime sur le mode de l'extase face à ces chefs-d’œuvre. Au degré suivant, on trouve les personnages autochtones. Les femmes sont mystérieuses, jamais belles, mais pleines de charmes et suscitent l'intérêt subit, voire l'amour du héros. Ce sont toutes des coquettes, rouées à l'art de l'amour et complètement soumises à leurs hommes et aux conventions, à rebours de l'Angleterrerie libérale. Les hommes sont en général des faire-valoir, du niveau du violoniste dans le dessin animé La belle et le clochard. Enfin, le dernier degré de l'édifice, ce sont les personnages anglo-saxons. Il faut lire les description des Anglais et des Américains rencontrés par le héros dans ses périples. Nous est servi un psychologisme rance à grand renfort de visages aux traits décidés, volontaires, traduisant une énergie et une simplicité, et que je t'échange des poignées de mains simples mais émouvantes, qui traduisent le raffinement et l'exactitude des sentiments de ces gens. Même quand le père américain de la femme convoitée est un industriel un peu vulgaire, sa curiosité, son énergie et la perfection de ses humeurs produit des lignes d'éloges par le narrateur.
Le tableau est enfin de compte simple : des personnages incarnant la quintessence de l'idéal civilisationnel Anglo-américain se promènent au milieu des ruines humaines et patrimoniales d'une Italie endormie. Exactement comme dans ces films de l'âge d'or d'Hollywood où les locaux servent de toile de fond exotiques à de gaillards blondins venus en Europe vivre les déniaisements de la jeunesse, ressentant le frisson de la proximité de la canaille.