En 2075, la Lune est peuplée de déportés, prisonniers de droit commun et agitateurs politiques dont la Terre veut se débarrasser. Néanmoins, la plupart des Lunatiques sont les descendants de ces déportés, nés libres sur la Lune mais condamnés à l’exil définitif à cause de la faible gravité lunaire qui les empêche de vivre sur Terre. Obligés de vivre sous la surface, ces pionniers ont développé une société tout à fait singulière, polyandre et métissée, mais qui reste sous la domination économique de la Terre, surpeuplée et affamée, dont la survie dépend de la production des fermes hydroponiques de la Lune. Manuel Garcia O’Kelly est le seul informaticien capable d’entretenir et de réparer le gigantesque ordinateur qui gère l’ensemble des fonctions vitales de la société lunaire, ordinateur qu’il a d’ailleurs surnommé Mike. Dès lors, Manuel est le seul à remarquer que Mike s’éveille à la conscience. Devenus amis, ils vont se retrouver un peu par hasard mêlés à l’émeute qui marque la naissance du noyau révolutionnaire qui va s’attacher à renverser l’Autorité Lunaire. De réunions clandestines en opérations de propagande, une organisation va naître, des plans vont s’ébaucher, et il leur faudra très vite trouver une réponse à la question : comment empêcher la Terre d’écraser la révolte des Lunatiques ?
Ecrit en 1966, Révolte sur la Lune est un roman d’anticipation qui a marqué son époque, et qui reste agréable à lire aujourd’hui. Heinlein propose des solutions aux problèmes techniques que poseraient la colonisation de la Lune. Il explore aussi les diverses possibilités offertes par une société qui compterait une femme pour deux hommes. Il aborde également la question de l’intelligence artificielle. Mais ce roman est avant tout l’occasion pour l’auteur de développer ses pensées sur à peu près tous les sujets, ce qui ne surprendra guère les lecteurs de ses précédents romans Starship Troopers et En terre étrangère. Comme dans ce dernier, le ton est léger, sarcastique, à la fois grinçant et rafraîchissant. Les personnages sont pour la plupart drôles et attachants, et Heinlein réserve souvent un destin funeste à ceux qui se prennent un peu trop au sérieux.
L’auteur va utiliser les dialogues entre ses personnages pour développer sa philosophie, dans un style presque platonicien. Et la philosophie de Heinlein est plutôt singulière, particulièrement vue d’Europe, puisqu’elle s’inscrit très clairement dans la ligne libertarienne, phénomène typiquement américain. Ainsi, les libertés individuelles sont considérées comme sacrées : liberté d’expression, liberté sexuelle, refus de la conscription, dépénalisation des drogues, égalité des sexes et des races, liberté de culte, … et le rôle de l’Etat doit être réduit au strict minimum : aucune taxe ne doit être perçue, aucune allocation d’aucune sorte ne doit être versée, et aucune réglementation ne doit limiter la marche de l’économie de marché. La mouvance libertarienne connaît de nombreuses tendances diverses et parfois opposées. Dans Révolte sur la Lune, son évocation d’une utopie libertarienne rapproche Heinlein du courant anarcho-capitaliste. Sa conception de la révolution révèle d’ailleurs une grande méfiance à l’égard du peuple lunatique, incapable de mener à bien la lutte pour l’indépendance et la liberté.
Il est important de ne pas se focaliser sur l’intrigue proprement dite, l’histoire racontée dans ce roman n’est finalement qu’un prétexte aux discours politico-philosophiques de l’auteur. Le dénouement un peu bâclé montre bien que Heinlein attache finalement peu d’importance à son histoire et à ses personnages.
Prix Hugo du meilleur roman en 1967, Révolte sur la Lune est une des oeuvres les plus importantes d’un auteur majeur, au style unique et doté d’un véritable talent pour faire vivre des univers singuliers, des personnages hauts en couleur, même si cela se fait parfois au détriment du roman lui-même.
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