Pour ma première critique sur sens critique je cherchais une œuvre forte, un peu à part, bref je cherchais un livre de Kundera.
"Risibles Amours" n'est pas un roman mais une suite de nouvelles. La lecture de ce recueil est très aisé Kundera allie avec brio lisibilité et beauté de l'écriture, il va en effet à l'essentiel sans alourdir son récit de dialogues ou de descriptions trop longs. Force est de constater que son parti pris est le bon, son intention étant de démystifier l'amour et tout le processus qui l'entoure il aurait été étrange d'user d'un style trop ampoulé. De fait notre cher Milan se permet d'user d'un langage parfois assez cru (surtout dans le contexte de la Bohême soviétique) n'hésitant pas à multiplier les descriptions du corps féminin (de toutes âges et de beautés diverses) au pleins cœurs d'actions pas nécessairement catholique (big up à Édouard). Mais la vraie force du recueil se situe dans l’habileté qu'à Kundera de brouiller les pistes concernant le ton que prennent ses histoires. Si la comédie potache nous vient immédiatement à l'esprit,on découvre au fur et à mesure de l'avancée du récit des nuances de genre parfois très surprenante, la première nouvelle ("personne ne rira") en est un bon exemple. Si le début du récit se veut très léger allant même jusqu'à rappeler une comédie de boulevard tant le grotesque est omniprésent, l'histoire glisse irrémédiablement vers une certaine forme de tragédie. Parti d'un jeu, comme le dit le "héros" lui même, on assiste à une catabase d'autant plus violente qu'elle contraste avec le style d'écriture qui lui reste résolument léger comme si la déchéance du personnage faisait parti intégrante d'une farce géante dont le narrateur/ personnage serait la victime en même temps que l'initiateur. Une certaine absurdité se dégage donc de l'ensemble et elle sied parfaitement à la déconstruction de l'amour que propose Kundera, tout est subvertie dans ce livre: la légèreté devient pesante (insoutenable dirait certains), la tragédie amusante (la description d'une femme nue pendant une scène de suicide) et l'amour est dépouillé de toute beauté ou de romantisme.
Mais malgré cette déconstruction d'un mythe que n'aurait pas renié Roland Barthes, Kundera ne nie pas l'amour car si sa plume le rend souvent grotesque ou malsain il n'en existe pas moins. Dans le monde absurde dépeint dans les différentes nouvelles, l'amour est même souverain car il guide tous les "héros" que nous rencontrons, il donne un sens à leur vie aussi risible soit-il. Doit-on donc en déduire que la vie est nécessairement risible?