Il fut l'un des généraux les plus extravagants et intrépides de Napoléon. Un hussard aux origines modestes qui est parvenu à devenir roi de Naples. Personnage historique à la destinée hors du commun, Joachim Murat est le protagoniste du dernier et passionnant roman de François Garde, Roi par effraction.
Le lecteur suit ainsi la trajectoire exceptionnelle de cette homme qui a été projeté au sommet du pouvoir, a participé aux plus grandes batailles napoléoniennes mais a toujours vécu dans l'ombre menaçante de l'empereur avant de devoir trahir ce dernier pour conserver un trône de pacotille et finalement être exécuté dans une prison à Pizzo.
Adoptant un style et une construction qui rappellent l'immense Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar, le roman de François Garde nous plonge ainsi dans l'intimité de Murat, ses ambitions, ses craintes, ses rêves. Les pages les plus belles sont celles consacrées à la relation tumultueuse qu'a entretenu ce dernier avec Napoléon, une relation alliant vénération et désir d'émancipation qui fonctionne comme un ressort pour ce personnage de roman.
Roi par effraction a la qualité intemporelle de ces romans français à l'écriture raffinée et constitue une lecture hautement recommandée pour ceux qui aiment l'Histoire et la littérature.
" Vues au travers des barreaux, toutes les cours de prison se ressemblent : un espace vide, butant contre de hauts murs. Le soleil, seule variable, s'y invite, révèle d'infimes nuances de couleurs et de textures, découpe le sol en zones antagonistes, puis avec lenteur remonte et s'en va. La crépuscule est long. L'obscurité tarde à venir, hésite, puis s'effondre et emporte tout " (incipit)
" Il ne regrette rien. Mieux, il revendique cette fidélité. Non sans orgueil, il peut se résoudre à n'avoir été que cela : non pas un pion que l'Empereur déplace à sa guise, mais une page blanche sur laquelle Napoléon écrit. Pour l'éternité." (p. 38)
" Raconter cette destinée, c'est tisser ensemble des milliers de fils aux couleurs chatoyants, invérifiables et trompeuses de vérité." (p. 69)
" Il se baisse, met un genou à terre et lui tient la main un instant. Oui, malgré les titres, les richesses, la gloire et les honneurs, malgré tout ce qui l'entoure, il est l'un d'eux. Un soldat. (...) Un clavier d'élite parmi d'autres cavaliers d'élite. Fait des mêmes souvenirs est des mêmes muscles. Avec la même odeur de sueur, de poussière et de sang. Partageant les mêmes dangers. Cela seul est vrai. Cela seul le définit". (p. 131)
" Que restera-t-il de toute cette agitation dans une semaine ? Que restera-t-il de son règne dans un siècle ? Moins, infiniment moins que d'un esclave anonyme retiré des fouilles de la caserne des gladiateurs, désormais célèbre pour l'éternité". (p. 183)
" Lever son verre de cristal, admirer le liquide ambré, saluer ces soldats d'un autre empire, et crier avec eux : davaï ! Ce mot sans doute le résume tout entier. Il lui tient lieu de boussole, d'histoire et de philosophie. Lorsqu'il n'a plus été capable d'aller en avant, tout s'est effondré". (p. 204)
" Et si la mort était simplement cela : l'absence de souvenirs nouveaux, l'arrêt de toute sensation succédant aux sensations du moment précédent. L'immobilité, non pas du corps anéanti, mais de tout ce que le monde extérieur fournit à profusion ..." (p. 243)