Vadim, regard aiguisé sur les gens et sur lui-même, papillonne dans un Moscou blanc et vaporeux. Le récit à la première personne nous happe d'emblée dans son sillage, celui d'un lycéen paradoxal, branché sur courant alternatif, capable d'actes misérables pour aussitôt les regretter. Un funambule en somme, qui marche sur un fil étroit entre vice et vertu, euphories et bleus à l'âme, cul et vertige amoureux... et qui défiera la cocaïne de le faire vaciller.
Le premier talent d'Aguéev est là: dans les sentiments ambivalents que Vadim provoque chez le lecteur. On suit ses pas comme un pote, on souhaite que les choses tournent bien pour lui, avant de retrouver la page d'après un con à qui on aimerait en coller une.
Vadim a de l'ego et la langue acerbe envers son entourage, mais sait aussi se juger sans complaisance. Faiblesses, doutes et questionnements mis à nu. C'est cette sincérité même qui rend le récit si réel et si poignant.
Les mots d'Aguéev sonnent juste, animés par une musique qui lui est propre, teintée de tournures sinueuses lorsque les idées de Vadim serpentent dans son esprit. Le ton est libre et fourmille d'images évocatrices, propres à capter les beaux instants comme les mélancoliques.
Puis la cocaïne rencontre le funambule, et des ombres vont progressivement imprégner les pages. Aguéev s'empare de la blanche arnaqueuse, et la dissèque calmement pour en exposer toute l'illusion et la laideur. Le trash folklorique est évité, au profit d'une ambiance éthérée mais implacable, jusqu'au final qui noue l'estomac.