Il s'agit pour moi du livre de la rupture avec un auteur que j'ai pourtant adulé à une époque...
Certes, Jean-Christophe Grangé avait tendance depuis un moment à sombrer dans la redite, à l'image de ses héro(ïne)s souvent similaires (un enquêteur marginal et déviant, souffrant de traumas anciens), ou à bâcler ses scénarios, aux ramifications parfois confuses voire incohérentes (par exemple dans "La terre des morts"). A force de publier frénétiquement un bouquin tous les 2 ans au minimum, tout en intervenant dans l'écriture des adaptations télévisuelles de son œuvre ("Les rivières pourpres"), le stakhanoviste Grangé a fini par saturer sa propre inspiration.
De plus, il se trouve que mon goût pour les polars tortueux qui ont fait sa gloire a eu tendance à chuter en flèche ses dernières années - préférant désormais d'autres lectures (biographies, autofiction, romans initiatiques...).
De sorte que je n'attendais plus le dernier Grangé avec autant d'impatience et de fébrilité qu'il y a quelques années. Mais je ne soupçonnais pas la terrible déception qui a accompagné la lecture de ce "Rouge karma", véritable navet littéraire dans lequel l'auteur laisse libre cours à ses élucubrations grotesques sans queue ni tête.
Pourtant, les 100 premières pages apparaissent plutôt prometteuses, offrant pour cadre la fureur parisienne de mai 68, partagée par deux frères, le cadet étudiant romantique, l'aîné flic addict et tourmenté (encore!). Mais dès que l'action quitte Paris pour l'Inde, le livre devient un grand n'importe quoi scénaristique doublé d'un long pensum, peuplé de personnages absolument pas attachants, à la psychologie erratique et décourageante.
Bref, je me suis ennuyé, souffrant le martyre pour arriver au terme de cette pseudo-enquête qui n'offre même pas de rebondissement final digne de ce nom.
Heureusement, Grangé conserve son écriture percutante et ses quelques fulgurances stylistiques, mais la trame narrative reste trop fastidieuse et décousue pour sauver "Rouge karma" du désastre...