L'an 2025. le futur. Ben Richards est en galère : pas de taff, pas de fric et une mioche souffreteuse. Sa femme se prostitue pour payer les médocs. Pas le choix : pour sortir de cette déchéance, Richards va devoir participer à La Grande Traque, émission de télé-réalité mortelle mais qui rapporte gros.
Running Man est un roman de SF court (250 pages) mais intense, une chasse à l'homme mettant en scène un "homme du peuple" traqué par des tueurs et des médias à la botte d'un régime totalitaire. On notera que Stephen King a crée son pseudonyme de Richard Bachman en partie pour échapper lui-même à sa médiatisation grandissante, pas étonnant de le voir donc charger les médias avec véhémence.
On peut dire sans se tromper que c'est un texte vindicatif. Ben Richards est un type antipathique à tendance asocial, un gars issu de la classe ouvrière qui compte bien faire un doigt d'honneur à la bourgeoisie et aux représentants de l'ordre quels qu'ils soient. King dénonce le contrôle des médias sur les masses et l'abrutissement de la population via la télé, le tout dans un monde où l'argent est roi et où il faut être capable de tout pour assurer sa survie. C'est noir et désespéré de bout en bout et on a parfois l'impression d'être dans un cauchemar scénarisé par un ado punk anarchiste.
On ne s'ennuie cependant pas au cours de cette course poursuite en 100 chapitres, rythmée, haletante et tendue.
Malgré cela, la mayonnaise n'a pas pris pour moi. L'univers décrit est assez paresseux. On ne saura rien de ce régime totalitaire ni de ce futur lointain. A peine sait-on qu'il y a quelques "air-cars" et que le summum de la technologie semble être une caméra à cassettes miniature. Quelques lignes évoquent la pollution sans qu'on en sache beaucoup plus. Mais surtout, j'ai l'impression que tout semble déjà vu : course poursuite en voiture, fillette malade, prise d'otage, bon samaritain, final tapageur... Les situations suivent le cahier des charges classique des films d'action.
Reste l'excellent concept de base de l'émission de télé-réalité mortelle et toute la critique qui va autour, mais il est probable que King ait emprunté tout cela à Le Prix du Danger de Robert Sheckley, écrit en 1958. En 2019, Robert Jackson Bennett ira plus loin dans l'idée avec son Vigilance que j'ai trouvé plus politique, plus court mais aussi plus efficace.
Peut-être en attendais-je trop de Running Man au vu de sa réputation et de son auteur, mais cette lecture est un poil décevante même si elle n'est pas désagréable.
En 1987 sort l'adaptation cinématographique avec Arnold Schwarzenegger. Comme souvent à Hollywood, les scénaristes n'ont du lire que la 4eme de couverture car hormis la chasse à l'homme filmée et les noms des persos, les deux n'ont absolument rien en commun. Le film est un sommet du kitsch made in 80s, aussi fascinant que navrant. C'est 100 fois plus con que le livre, mais peut-être aussi 100 plus fun. Quelques années après sa sortie, le long-métrage perdra un procès pour plagiat du film français le Prix du Danger (1983), adaptation de la nouvelle de Sheckley citée plus haut...
Une nouvelle adaptation plus fidèle au roman est prévue pour 2026, et je suis assez surpris de voir Edgar Wright s'y coller, tant ça me semble à l'opposé de ce qu'il a réalisé jusqu'ici.