Si vous regardez dans les yeux d’un bon fils, vous y lirai peut-être beaucoup de passion, mais mieux encore, un savoureux mélange de richesse filiale.
Avec les mythes, il n’y a pas de demi-mesure. Il convient de s’en servir tout simplement. Françoise Sagan a beaucoup servi durant sa vie; icône irréfragable par laquelle la vertu d’aujourd’hui rend hommage au vice d’hier, à ces temps si lointains où l’on mourait pour toutes sortes de raisons (la vieillesse, le plaisir, la tristesse ou bien l’amour), mais jamais d’ennui. Ces temps odieux où mourir ne dispensait pas tout à fait de vivre d’abord, un peu, passionnément, à la folie, ou évidemment, plus du tout…
Bref, depuis qu’à son tour Madame Sagan a cessé de s’amuser en septembre 2004 (bientôt 9 ans dans 2 jours), près d’une dizaine de livres aux ambitions biographiques plus ou moins clairement assumées sont venus nous chanter la mélodie du «charmant petit monstre», et de la romancière aux pieds nus dans son Aston-Martin… Et celui qui surement aurait été le plus apte à parlé s’est tu, non qu’il n’ait rien à dire, mais plutôt autre chose à faire: aimer sa mère.
Pour Denis WESTHOFF, enfant unique de Françoise Sagan, cela signifie depuis ce jour où, à tous les sens du terme, il accepta son héritage, celui de veiller à faire vivre l’œuvre en la rendant à nouveau aussi largement que possible accessible à tous, s’astreignant à essuyer la dette fiscale laissée par la romancière au moment de sa mort.
Ces objectifs ont été atteints, ou en voie de l’être, le fils de la mère prodigue consent enfin à livrer, dans ce précieux volume de souvenirs intitulé «Sagan et fils», sa vérité. Un ouvrage bouleversant de douceur, d’élégance et de piété filiale mêlées. Certes, ceux qui n’en ont que pour les frasques et les addictions en seront pour leurs frais («On s’imagine généralement que j’ai passé mon enfance à dormir sur un lit de camp avec des gens qui dansaient autour de moi»), les autres, c’est à dire vous et moi, ceux qui savent que «Bonjour tristesse», «La Chamade», «La Garde du cœur» ont, avec une grâce non dissimulée, contribué à redessiner un état du sentiment amoureux dans la France des Trente Glorieuses où le charme de la bourgeoisie n’est plus si feutré; ces derniers-là liront d’un juste timbre ce superbe roman.
D’abord, parce qu’en y cherchant la mère, ils trouveront le père. Ce Bob Westhoff auquel son fils consacre peut-être les plus belles lignes de cette histoire. Cet américain qui sera assurément un amour de mari, qui ne sait qu’acquiescer toutes propositions, qui met trente secondes à fourrer ses affaires dans une valise et une minute à vider une bouteille de champagne.
Ensuite, parce qu’avec le même air de ne pas y toucher que sa mère, sans rien omettre des gouffres qui la cernaient, le fils sait dessiner le portrait d’une femme courageuse, généreuse et profondément tolérante. Et, pour ces vertus-là, l’époque n’a pas fixé de date péremption. Il nous faudra seulement considérer qu’elle s’applique aussi bien à la tâche de romancière qu’à celui de mère, vu par le regard juste d’un bon fils.
Tempuslegendae
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 28 oct. 2013

Critique lue 113 fois

2 j'aime

1 commentaire

Tempuslegendae

Écrit par

Critique lue 113 fois

2
1

D'autres avis sur Sagan et fils

Sagan et fils
Joelle16
4

malhabile

on sent bien que le fils de Sagan a voulu redorer le blason de sa célèbre mère mais le style est assez malhabile et ressemble à un catalogue de points et de rumeurs à expliquer ou à démonter....se...

le 22 oct. 2012

2 j'aime

Sagan et fils
Jocaste
4

Régler ses comptes d'accord mais le faire correctement, c'est mieux.

J'aime Sagan, j'ai toujours aimé Sagan. J'ai aimé Bonjour tristesse, Aimez-vous Brahms ..., La robe mauve de Valentine, Un certain sourire, Toxique, et les autres. Ce n'est pas que je sois...

le 26 août 2012

2 j'aime

Sagan et fils
AMqt
8

Critique de Sagan et fils par AMqt

Une biographie avec un parti pris évident mais pas dérangeant. Un hommage d'un fils à sa mère car seul un fils pouvait voir et savoir les fragilités d'une femme, ses doutes, sa tendresse, sa...

Par

le 14 mars 2024

Du même critique

Calligrammes
Tempuslegendae
10

Critique de Calligrammes par Tempuslegendae

APOLLINAIRE est-il ce poète démarqué dont bon nombre de personnes ont parfois du mal à saisir l’essence de ses textes? Ce n’est pas dans le lourd héritage du fatras symbolique, fût-il déplacé par le...

le 8 oct. 2013

5 j'aime

Une certaine fatigue
Tempuslegendae
9

Critique de Une certaine fatigue par Tempuslegendae

Peut-on aimer jusqu’à en mourir? Savante question qui à mon sens n’avait pu être satisfaite par aucun livre. Jusqu’à ce qu’un romancier raconte «Une certaine fatigue»… Sous ce beau titre fleurant la...

le 9 nov. 2013

3 j'aime

1

Lettres retrouvées
Tempuslegendae
9

Critique de Lettres retrouvées par Tempuslegendae

Emporté par une fièvre typhoïde, Raymond Radiguet s’est éteint à l’âge de 20 ans, un matin de vendémiaire 1923. Le fidèle pygmalion Jean Cocteau, terrassé par le chagrin, ne put assister à ses...

le 31 oct. 2013

3 j'aime