La diplomatie pour les nuls.
Francis Walder est un auteur belge, couronné par le Goncourt, mais aussi un ancien diplomate qui assista aux négociations après la seconde guerre mondiale. Trois éléments essentiels pour comprendre "Saint-Germain ou la Négociation", roman historique qui permit à son auteur d'expliquer l'envers du décor diplomatique, en prenant une autre négociation historique pour illustrer ses propos.
Et si l'ensemble semble très rigoureusement exact, l'intérêt n'est pas là : Saint-Germain ou la négociation, c'est un roman de guerre, l'histoire d'un combat, régi par ses propres règles et avec des armes bien particulières.
Le héros est donc un diplomate au service du roi de France, lors de la guerre opposant huguenots aux catholiques, et son but est d'arriver à un traité de paix, en concédant le moins possible à ses ennemis. Et Walder va donc égrener au fil de son histoire tout son éventail de techniques diplomatiques pour prendre le dessus lors d'une négociation ou pour renverser la vapeur. Les twists s'enchainent, les différents protagonistes étant tous d'excellents diplomates, et l'auteur parvient à varier les situations et les méthodes, tout en restant crédible dans le déroulement de son scénario.
Révéler les différentes techniques serait intéressant, mais les découvrir au sein de l'intrigue transcende celle-ci, et la rend parfois digne du Trône de Fer au niveau de l'astuce et de la roublardise des personnages.
Walder, ancien diplomate, est aussi assez critique sur la condition-même de ce métier : prendre conscience des réalités derrière les traités (que deviennent les villes échangées, comment la vie réelle des gens va évoluer) est dangereux, et le bon diplomate doit donc rester un peu froid et étranger aux enjeux concrets de sa négociation, sous peine de se faire gagner par l'émotion ou les bons sentiments. D'où cette impression un peu désagréable de voir parfois ces politiciens détachés du monde réel se partager un territoire comme une bande de potes pré-pubères se répartiraient le monde dans une partie de Risk.
Saint-Germain ou la négociation est donc au final un roman-prétexte à une réflexion sur la fonction de diplomate, dépeinte d'une manière assez neutre, et qui à défaut de montrer les réalités en jeux, expose de long en large la psychologie d'un représentant en action. Il montre surtout que la diplomatie est un subtil mélange de défense d'intérêts propres, et de socialisation entre négociateurs (qui modifie les relations interpersonnelles, et potentiellement la prise de décision). Et que la destinée de milliers/millions/milliards de personnes est parfois dépendante de l'éloquence d'un politicien.
Un livre court, passionnant, percutant et très ludique.
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