Constamment en quête de défis stupides et inutiles, j'ai décidé de me faire l'oeuvre complète de Stephen King, de son premier roman au tout dernier, ce qui devrait logiquement occuper mon esprit tourmenté pour les cinq prochaines années. Ayant lu et apprécié "Carrie" il y a peu, c'est au tour de "Salem", son second roman, de passer à la casserole.
A jamais traumatisé par le "Dracula" de Bram Stoker et par les tristement célèbres EC Comics, Stephen King souhaitait livrer sa vision toute particulière du vampirisme et en faire le "Moby Dick" du genre, désireux de respecter à la lettre les conventions tout en encrant son récit dans un cadre contemporain, celui de l'Amérique post-Vietnam.
Si son premier roman laissait déjà apparaître un certain nombre des thématiques émaillant son oeuvre future, "Salem" expose carrément le décorum entier des travaux à venir du King, que ce soit sa vision des petites villes américaines et de ses habitants ou encore ses réflexions sur la littérature et sur le métier de conteur. On retrouve ainsi tout ce qui fera le charme des écrits de King, à un stade certes encore embryonnaire mais aussi plus spontané, moins tributaire d'une formule ou d'impératifs commerciaux.
Prenant sagement son temps et distribuant son lot de frissons au compte-goutte, Stephen King nous décrit avec force et horreur la lente agonie d'une bourgade comme il en existe des milliers aux USA, à ceci près qu'elle ne doit pas son extinction à l'économie ou a une catastrophe naturelle, mais bien à un mal sans limite et sans âge, l'auteur ébauchant également une réflexion intéressante sur les conséquences d'évènements tragiques, sur la mémoire d'un lieu ou d'une demeure.
Malgré ses quelques longueurs, "Salem" est un roman tout à fait recommandable et efficace, un des préférés de son auteur qui ébauche ici tout ce qui fera le succès d'une carrière et d'une oeuvre passionnante et cohérente.