Comment attribue-t-on la valeur aux choses ? Pas la valeur marchande, non, la chose est entendue, c’est l’affaire du marché. Non, nous, individuellement, comment détermine-t-on la valeur des objets qui nous entourent ? À l’occasion d’un déménagement forcé, l’autrice-narratrice est confrontée au choix cornélien qui s’impose à elle : jeter, ou garder ? Déchet, ou archive ? Comment choisir ? Question ordinaire et pourtant vertigineuse. En 130 pages, l’autrice livre ses réflexions – ses méditations, pourrait-on écrire – métaphysiques sur la valeur et l’archive à partir du second personnage principal du livre, un « petit tas d’ordures » qu’elle a trouvé en bas de chez elle et à qui elle donne asile. Ce petit tas d’ordures l’émeut, l’interpelle, la fascine : ces morceaux de vie d’autrui (ordonnances, photos, ticket de transport, de PMU) interrogent son propre rapport au temps et aux choses. À l’essentiel, quoi : à la mort. Archiver, c’est constituer son héritage, ce qui restera de nous après la mort.
L’examen fragmenté de ce petit tas d’ordures donne l’occasion à l’autrice de divaguer, de digresser avec humour et profondeur sur l’art, l’écriture, la poétique des chiffonniers, son passé… Gaëlle Obiégly n’assène rien, ne développe pas une grande théorie philosophique sur la valeur : par morceaux, elle propose, essaie, raconte. Elle fait de la littérature, et la littérature, ça reste. Quelque part entre Proust, Pascal et Adam Smith, Sans valeur pose aussi, en creux, la question de la valeur littéraire. Intituler son livre ainsi relève du panache, de la provocation ou du pari. C’est réussi.
Je garde ces choses parce qu’elles me servent ou parce qu’elles symbolisent le temps. Cela n’a de valeur que pour moi, c’est sans valeur donc. (p. 25)