Publié pour la première fois en 1992 en France (1988 sous le nom de Running Wild pour sa version originale), l’éditeur Tristram nous offre une nouvelle traduction de ce court roman de J.G. Ballard. Court roman certes, mais qui laisse indubitablement une empreinte durable de par son impressionnante intelligence et sa maîtrise du détail.
Bienvenue à Pangbourne Village, dans la banlieue de Londres. Quartier résidentiel ultra-sécurisé et ultra-aseptisé, où les habitants, ayant fait preuve d’autant de réussite professionnelle que sociale (norme en vigueur), élèvent leur progéniture dans un cadre confortable et sain (selon leur vision des choses).
Bienvenue sur le lieu d’une tuerie sordide, quand un beau matin, tous les adultes de Pangbourne Village sont assassinés. Les enfants ? Tout simplement disparus de la surface de la Terre. Kidnappés. Par qui ? Pourquoi ?
Dépassée par cet évènement incompréhensible, la police fait appel à l’expert-psychiatre Richard Greville.
On lit alors ce roman comme le journal médico-légal du Dr Greville. Froid, méthodique, cherchant les preuves.
On retrace la matinée meurtrière dans tous ses détails, caméra de vidéo-surveillance à l’appui.
Reconstitutions factuelles, cliniques, précises. Hypothèses, questionnement.
L’enquête nous plonge dans le quotidien des parents biens sous tout rapport et des enfants sages, et ce qu’elle déterre au fur et à mesure est surprenant, jusqu’à en devenir glaçant.
Ballard élimine tout pathos. Son but ? Utiliser le massacre de Pangbourne comme une critique acerbe des années Tatcher (le roman ayant été écrit en 1988), pamphlet impitoyable contre la vidéo-surveillance généralisée, la logique ultra-sécuritaire et "tout sous contrôle".
Il est difficile d’en dire plus de ce roman sans en révéler davantage, au risque de spoiler la résolution de l’intrigue; l’identité du/des tueur(s) qui se profile dès la seconde moitié du roman, laisse un sentiment malsain, tant sa plausibilité est réelle.
Anticipation sociale des plus sombres et encore plus d’actualité que jamais (à l’heure où les quartiers résidentiels se referment de plus en plus sur eux-mêmes), la société moderne perd tout son fard pour montrer à la vue de tous sa pire laideur.
Une œuvre courte, synthétisme du génie narratif de J.G.Ballard, excellente pour aborder l’œuvre de cet auteur qui aura tant marqué la littérature anglo-saxonne contemporaine.