Schismatrice s'attache à la vie d'un certain Abélard Lindsay, personnage trouble ballotté par les soubresauts d'une société humaine spatiale qui semble toujours au bord de l'autodestruction.


Autant le dire tout de suite, ce livre est un pavé assez indigeste, avec une introduction que j'appellerais “en coup de pied au cul” : l'auteur balance le lecteur innocent dans son univers sans rien lui dévoiler, en le noyant sous des flots de termes abscons et de contexte inexpliqué. Jusque-là rien d'anormal, c'est un peu un prérequis du cyberpunk. Mais je me suis quand même ennuyée pendant une bonne moitié du livre… pour finir par l'adorer. Pourquoi ce revirement ? Si vous comptez ouvrir Schismatrice un jour, n'allez pas plus loin, je m'en voudrais de ruiner l'effet pour quelqu'un…


Dans l'absolu, le futur décrit dans ce livre n'est pas très joyeux : après avoir éjecté tous les indésirables, les habitants de la Terre se sont renfermés sur leur planète et ne laissent plus personne y accéder. Le reste de l'humanité flotte aux alentours dans des habitats divers dont le seul point commun est qu'ils partent tous plus ou moins en morceaux et se répartit dans plusieurs factions qui ne pensent qu'à s'entretuer…


Paradoxalement, alors qu'on est dans un monde tout pété où les humains, ou ce qui passe pour tel, tombent comme des mouches, il y a quelque chose de très optimiste, un souffle épique, lié à la survie continue d'Abélard. Au début, elle n'a rien de bien étonnant : s'il semble plus tenace qu'un cancrelat (pour poursuivre avec les insectes), c'est après tout le héros, c'est donc ce qu'on attend de lui. Mais alors que le monde évolue, se reforme autour de lui, que les règles changent et qu'il continue obstinément à s'adapter, à se réinventer, à repartir de zéro, le récit finit par largement dépasser le nombre de péripéties normalement dévolues à un seul personnage.


Arrive un moment, quand on se retourne sur le chemin parcouru par le héros (et avec lui par le lecteur, qui lui aussi doit s'adapter à cet univers en perpétuel changement pour ne pas décrocher), où l'on est frappé par un certain vertige, un sentiment d'immensité devant cette traversée des époques, comme si on avait réellement vécu des millénaires d'histoire. Et même la mort, si on choisit de prendre la scène finale au pied de la lettre, ne parvient pas à prendre le dessus de cette lutte permanente contre la stagnation et l'indifférence.


Personnellement, c'est ça qui m'a marquée, dans ce livre, cette espèce de puissance créatrice qui semble ne jamais devoir s'arrêter… En fait, c'est juste un énorme trip, une sorte d'aperçu de l'infini.

anne-irene
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le 1 févr. 2020

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