C’est une histoire de féminité à laquelle nous avons affaire, et à plusieurs voix. Natsu, d’abord, la tante et narratrice, dont le récit est entrecoupé par le journal intime de Midoriko, la fille de Makiko.


Les femmes sans cesse ramenés à leur biologie (Seins et œufs, œufs=ovule, vous aurez deviné). L’angoisse des premières règles chez la plus jeune, envie de mammoplastie pour sa mère. Celle-ci qui compare avec sa sœur le corps des autres femmes aux bains publics… La récurrence du sang, manifestation des émotions ou des peurs. De la sueur, qui colle la peau comme une mise-en-bouche du final explosif. Ce corps féminin est en constante mutation. La peur de la jeune fille, de devenir une femme. La peur de celle qui vieillit, de ne plus en être une totalement. Et l’étrangeté constante, face à ce corps qui ne cesse de vivre et de s’animer. Qu’on souhaite modifier ou au contraire ne rien y changer. Et qui trahit, toujours.


Autre remarque : l’écriture. Je lis comme critique que le style de l’autrice est trop occidental et pas assez dépaysant. Je trouve cela dommage d’être assigné à une nationalité, et aux projections que celle-ci peut véhiculer. L’art, c’est certes faire voyager, mais aussi rentrer chez soi. On n’aimerait pas autant les polars scandinaves si les flics n’y buvaient pas café après café. Exemple volontairement ironique, mais vous voyez l’idée. Le miroir tendu dans ce livre m’a rappelé des scènes vécues avec les femmes de ma famille. Les papotages qui nous paraissent parfois une musique d’ambiance et qui pourtant nourrissent et modèlent notre vision du monde.


Malgré les incompréhensions, malgré les silences (et celui de Midoriko montre quelque chose de l’impossibilité à retirer certains mots), elles cohabitent. Entourées, et seules face au bavardage de l’autre. Comme si nous étions irréels…


Et c’est aussi une réflexion sur le fonctionnements du cerveau aussi, avec le personnage de Natsu, qui ne sait plus d’où vient tel ou tel souvenir, qui déréalise parfois. Le processus des souvenirs est parfaitement décrit : l’attention sur des petits détails, le floutage du reste. La manière dont on les remâche en voulant les remodeler. C’est une histoire lente comme une journée de fin d’été chez de la famille. On se demande quand ce sera fini, et quand ça l’est, on ne sait pas trop ce qu’on en a pensé.

YasminaBehagle
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le 31 août 2021

Critique lue 83 fois

YasminaBehagle

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