Et voilà !
Il y a à peine trois mois, je terminais mon commentaire sur le livre "Suzuran " d’Aki Shimazaki par ces mots : « Je ne pense pas poursuivre avec "Sémi", ni chercher, coûte que coûte, à renoncer à mon impardonnable incompétence en culture de l’empire du Soleil Levant. » Comme quoi, il ne faut jurer de rien ! Car voilà que j’ai bel et bien continué le cycle avec "Sémi".
Rappelons que Aki Shimazaki est une autrice québécoise, qui écrit en français des romans japonais !...
Elle est née en 1954 à Gifu au Japon, en 1981, à 26 ans, elle a immigré au Canada où elle enseigne dans une école japonaise, tout en étudiant l'anglais et le français. En 1994, à l'âge de quarante ans, elle apprend le français dans une école de langue.
Elle commence ensuite à écrire en français de courts romans.
Son œuvre se déploie en pentalogies : cycles de cinq romans construits autour d'une même histoire, telle que vécue par cinq personnages différents et pouvant se lire indépendamment.
Suzuran entamait une nouvelle série, après clôture des trois cycles précédents :
• Premier cycle : Le poids des secrets.
• Second cycle : Au cœur du Yamato.
• Troisième cycle : L'ombre du chardon.
• Le Quatrième cycle comprend Suzuran (2019) et Sémi (2021).
Personnellement, après quatre-vingts ans de pratique, je serais bien en peine d’écrire un roman dans ma langue maternelle…
Suzuran mettait en scène Anzu, une céramiste d’Art. Quant à Sémi, il est surtout centré sur les parents d’Anzu, retraités, retirés dans une résidence pour personnes âgées, Tatsuo et Fujiko, laquelle montre depuis quelques temps les signes de la maladie d'Alzheimer. Elle ne reconnait plus ni ses enfants ni son mari qu’elle prend pour son fiancé…
Le style est toujours aussi simplissime et naïf que dans le précédant roman, avec des phrases et des paragraphes courts et factuels : « Nous sommes dimanche. Ce soir, Fujiko et moi dinons chez notre fils. La famille habite en banlieue. Nous y allons en autobus. » Fin du paragraphe.
L’intrigue est d’une ingénuité touchante et d’une puérilité confondante. Ce n’est pas une surprise, Aki reste semblable à elle-même… Si j’ai souhaité revivre l’expérience de Suzuran, c’est uniquement pour voir comment l’auteure approche le douloureux problème de la maladie d'Alzheimer. Je crains d’y être confronté.
Je ne m’étendrais pas d’avantage.
Aussi j’aborderai deux points relativement secondaires dans le livre : les cigales (en couverture, en titre et souvenir bien présent dans la mémoire malade de Fujiko) et les tests ADN ethniques, dont il est question.
On y apprend, en particulier, que les cigales vivent le plus clair de leur vie dans la terre, quelques années pour certaines (cinq à six pour l’abura-zémi) et même dix-sept ans pour la cigale de New York et un à deux mois à l’air libre, pour se reproduire.
Sans doute un symbole sur la brièveté de la vie…
En "grattant" un peu, j’ai appris qu’elles ne stridulent pas, comme on le dit généralement, mais qu’elles "cymbalisent" avec un organe ventral. Et qu’il n’y a que les mâles qui font ce raffut… pour attirer les femelles, bien sûr !
Il semblerait même que la fameuse cigale de New York, la Magicicada septendecim, n’apparaitraient en multitude que tous les dix-sept ans provoquant l'abondance cyclique d'une grande quantité de cadavres de cigales à l’origine de ce que les anglo-saxons appellent les « ressources naturelles pulsées ».
Cette impulsion se traduit par un accroissement rapide de l'azote dans les sols forestiers ; s'ensuivent des effets indirects sur la croissance et la reproduction des plantes forestières.
Autre interpellation donc, lorsqu’un personnage, après avoir annoncé que son père est américain de souche irlandaise et sa mère japonaise, déclare avoir fait un test ADN (chose interdite en France, passible de 3750 € d’amande, car un test génétique ne peut être réalisé que sur demande d’un tribunal dans le cadre par exemple d'une recherche de paternité, ou d’un médecin à des fins médicales ou de recherche scientifique) et obtenu des résultats surprenants : « Je suis à trente pour cent coréen, à vingt pour cent chinois, à quarante pour cent juif ashkénaze, à cinq pour cent russe et autres slaves. Bref, mes origines ne sont ni irlandaises ni japonaises. »
Je confesse volontiers être particulièrement nul en biologie mais j’avoue que les rudiments de logique que je croyais posséder sont anéantis en découvrant que la religion serait lisible dans l’ADN ! Ashkénaze, admettons, c’est-à-dire originaire d'Europe centrale et orientale. Mais juifs… Bon, les juifs, chassé d’Égypte s’y sont rendus en grand nombre, mais de là à inscrire leur foi dans leur ADN…
D’où ma recherche, et un article intéressant de Grégoire Fleurot du 28 novembre 2013 :
http://www.slate.fr/story/80323/origine-geographique-ethnique-test-adn
Où l’on découvre, non sans humour, « que le dictateur allemand [Adolf Hitler] était porteur de l'haplo groupe E1b1b, un marqueur caractéristique des Berbères, dont la fréquence peut atteindre 80% dans la population masculine de certains groupes au Maroc. Il est aussi présent en Somalie et au Moyen-Orient et chez les populations séfarades et ashkénazes.
Il n'en fallait pas plus pour que le tabloïd britannique The Daily Mail titre "Hitler descendait des juifs et des Africains qu'il détestait". »
Enfin, il y est souligné qu’il « n'existe pas de gène français ou éthiopien, seulement des marqueurs que l'on retrouve plus souvent chez les habitants de ces pays. »
Du coup, je me sens un peu moins bête, et rassuré.
On s’éloigne du livre d’Aki ?
Un peu, c’est vrai, mais je ne tiens pas à dévoiler toute l’histoire, néanmoins influencée par ces deux sujets. Reste que c’est quand même écrit avec beaucoup de délicatesse – japonaise – et que, même si tout n’est pas résolument crédible et ne répond pas à toutes mes attentes, c’est un bien joli conte…
Aller, encore un petit lien pour la route : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/semi-la-maladie-d-alzheimer-sous-un-jour-inedit-par-la-romanciere-japonaise-aki-shimazaki_4636991.html