Évadé d'une prison australienne à la fin des années 70, Lindsay atterrit à Bombay, la tentaculaire métropole de la côte ouest de l'Inde. Pour faire profil bas et échapper aux services internationaux de police, il élit domicile dans un immense bidonville, où il monte de bric et de broc une petite clinique de premiers soins grâce à une lointaine formation de secouriste. Repéré par la mafia locale, celui qu'on appelle désormais Linbaba entre peu à peu au service de la branche dirigée par le seigneur Abdel Khader Khan. Du trafic des devises à la contrefaçon de passeports en passant par le blanchiment d'argent dans l'industrie florissante du cinéma bollywoodien, l'ancien héroïnomane au grand cœur gravit un à un les échelons de la hiérarchie du crime organisé.
Entamé en prison, finalement publié en 2003, Shantaram est le récit partiellement autobiographique de l'existence de Gregory David Roberts, authentique criminel australien évadé d'un quartier de haute sécurité et en cavale dix ans durant à Bombay. Véritable claque littéraire, ce pavé d'un millier de pages nous emmène à la découverte de l'envers du décor, dans l'Inde du crime, de la drogue et de la prostitution, et même jusqu'aux montagnes enneigées de l'Afghanistan durant l'atroce conflit entre les moudjahidines et l'envahisseur soviétique. Shantaram - un surnom donné à Lin, qui signifie « homme de paix » en marathi - est une lecture marquante par l'improbable mais extraordinaire succession d'événements subis ou provoqués par le héros et ses amis ; par le réalisme saisissant de la peinture d'une Inde baroque, colorée, multiculturelle et extrême dans tous ses excès ; et par l'inconditionnel mélange de bonté, de sagesse et d'amour qui émane d'un narrateur pourtant confronté quotidiennement à la violence et à la misère.
Comme Lin, on ressort de cette lecture complètement chamboulé, happé par cette ville-monde dangereuse et séduisante, irrémédiablement attiré par ce bidonville où l'amour et la dignité sont les règles tacites de la survie au milieu de la crasse, amoureux transi de l'envoûtante Karla aux yeux verts, plein d'une confiance fraternelle pour ces mafieux sympathiques et terriblement humains, et rempli d'adoration filiale pour Khaderbhai, le patriarche criminel philosophe.