Ah, les descentes aux enfers m'ont toujours fascinées. Venez donc assister à celle d'une jolie petite famille soudée par les liens sacrés du mensonge et de la tragédie, j'ai nommée la famille Torrance.
Shining de King, pas de Kubrick
Je vais commencer par vous arrêter : j'ai vu le film bien avant de lire le livre originel. J'ai adoré le film, j'ai adoré le roman, qui sont pour moi deux oeuvres qui fonctionnent très bien indépendamment l'une de l'autre. Ainsi, cette critique n'a pas pour vocation de les comparer ou d'en notifier les différences.
Entrons dans l'hotel
Ce roman d'épouvante-horreur en cinq parties (tien donc, comme les cinq actes d'une tragédie classique), est une pépite que j'ai appréciée du début à la fin. Alors que Jack, Wendy et leur fils Danny s'en vont vivre une basse saison entière dans un hotel perdu sur une montagne perchée et isolée du Colorado (Jack a perdu son précédent boulot et il leur faut vite des thunes), des événements terrifiants sont sur le point de se dérouler. Jusque là on se dit qu'on va avoir à faire à un simple huit-clos, mais quand on connaît le King on se doute que ça ne va pas s'arrêter là (bien que Misery soit un huit-clos des plus purs, c'est-à-dire sans fantastique et avec uniquement deux personnages). Danny a été mis en garde par Tonny, son ami imaginaire (vraiment ?), contre l'hotel Overlook...
Je désarmorce les réflexions de celleux qui pointent du doigt le fait qu'on sait déjà à l'avance, dès les premières pages, que tout va mal finir, et presque, qu'on devine dès le premier chapitre ce qui va exactement se passer (les titres des chapitres en dise effectivement beaucoup à l'avance). Et oui, le discours d'Ullman, le directeur de l'hôtel Overlook, laissé aisément penser que Jack va suivre les traces de ce cher Grady qui a tué sa femme et ses filles alors qu'il était lui-même gardien pendant la basse saison... Mais tout le propos de King n'est pas de faire du suspens et de nous mener en bateau jusqu'à nous surprendre par une fin que l'on aurait pas attendue, non. Sa volonté au fond c'est de nous obliger à nous demander "Mais comment vont-ils en arriver là, bon-sang ?".
Très vite, on sait que la famille a connu des hauts et des bas, que chacun des deux parents à un passé suffisamment lourd pour faire d'eux des rescapés de la vie, et que leur couple est au bord de la rupture peu de temps avant que Jack ne décroche ce job et ne convainc sa femme et son fils de l'accompagner pour qu'il puisse écrire sa pièce. L'objectif de cette quête : retrouver un emploi digne de son talent d'écrivain et regagner la confiance de sa femme. Il veut se refaire un statut et ne plus être un moins que rien. Son esprit n'est-il pas déjà corrumpu ? En tout cas, l'hotel sent en lui une faiblesse...
Les personnages
Voilà pourquoi Jack est choisi par les démons peuplant l'hôtel comme marionnette tueuse, à moins qu'il ne devienne simplement fou à cause de la solitude et de l'isolement du reste de l'humanité ? A cause du manque d'alcool ? Wendy et Danny se retrouvent donc coincés au sens propre - parce que Jack leur barre la route tout comme le fait la neige - et au figuré - parce qu'ils ne veulent pas abandonné cet être cher et que coinjetement ils n'ont nulle part où aller. Et les aventures des trois personnages principaux est haletante et démoniaque. Danny possède un pouvoir capable de grandes choses, mais il peut autant lui apporter du malheur que l'aider à s'en sortir en vie...
D'une plume de maitre, Stephen King dépeind les pensées, sentiments et états-d'âme des trois habitants de l'Overlook. Et en fin psychologue, il est extrêmement bon dans cet exercice. Envers Jack, j'ai ressenti tantôt de la pitié, tantôt de l'agacement, de la haine et de la peur, quand concernant Danny j'ai ressenti de l'attachement, de l'angoisse et de la peine... et pour Wendy, de la pitié aussi, mais surtout beaucoup d'admiration. C'est exactement ce qui fait la crème de ce roman : connaître la version de chacun. Ca nous rend plus humain, parce qu'on comprend pourquoi chacun agit et pense de telle ou telle façon.
"Je dois être en train de perdre la raison"
La folie, thème principal de ce roman, est abordée de multiple manières. Par la métaphore filée de l'hotel ayant une emprise sur Jack, par la schizophrénie de Danny (ou le shining) et le déni de Jack, par les hallucinations de Jack, son entêtement, son obsession égoïste... Et, sont reliés à ce thème principal, d'autres thèmes : les violences familiales, conjugales, les fantômes du passé, l'alcoolisme (ou l'addition de manière générale), l'empathie...
Attendez-vous à angoisser, à flipper pour les vies qui sont en jeu, et à souhaiter très fort ne jamais vous retrouver dans une telle situation.
Mot de la fin
J'ai passé de très bons moments en lisant ce King et ça m'a fait un bien fou de ressentir toutes ces émotions puissantes pour des héros de papier. Avoir vue l'adaption cinématographique ne m'a en rien gâché le plaisir, alors foncé si vous ne connaissez pas encore ce classique horrifique.
Sans rien dévoiler, j'ai trouvé la fin triste à mourir. Elle laisse cependant des choses en suspend : je me demande ce qu'est devenu Ullman et me pose des questions concernant l’hotel. Sachant que l'auteur a écrit une suite, j'ai très envie de la lire.