Si c'est un homme
8.1
Si c'est un homme

livre de Primo Levi (1947)

Au fil des ans je relis Si c'est un homme régulièrement. A chaque fois je me surprends à constater que je ce témoignage me reprend de court, comme si à chaque fois, entre temps, j'en avais oublié la nature. J'imagine qu'il est aisé, du moins confortable, d'oublier pareilles horreurs. Je pense également que le fait que les événements racontés dans cet ouvrage sont tellement éloignés de la réalité qui peut être la mienne en France ces dernières décennies qu'il est simple de juste les ranger bien dissimulés dans ma mémoire. L'absurdité odieuse du Lager, sa monstruosité institutionnalisée, semble peut-être davantage inconcevable que sidérante.

La force de ce livre, c'est qu'il est rédigé sans aucune passion. Le récit est de l'ordre de la description clinique, et ce jusqu'aux passages où l'auteur cherche à énoncer sa compréhension de l’âme humaine. Le livre expose comme aucun autre que le pire des bourreaux peut être la personne la plus ordinaire, et que privé d’espérance autant que de dignité l’être humain tend à se comporter comme le pire des individus. Au delà de la description des traitements abominables et déments infligés dans le camp, le livre témoigne de cette simple idée que ce qui fait de nous des êtres humains, c'est avant tout le fait qu'autrui nous considère comme tels. Et que dès lors que plus personne ne nous traite avec dignité, ni les bourreaux, ni les victimes, alors rares sont ceux capables de continuer à se comporter avec humanité. Dans Si c'est un homme, le lecteur découvre désarmé que la solidarité, le partage et la fraternité ne coulent pas de source et qu'au contraire les hommes privés littéralement de tout ne sont pas naturellement bons. Le livre révèle que l'humanité est une chose fragile dont le maintien réclame effort et minutie de chacun de nous.

Personnellement Si c'est un homme ne m’amène pas vraiment à me poser des questions sur moi même ou sur les autres, il m'impose juste la nécessité de veiller à toujours rester vigilant... Jusqu'à ce que j'oublie, et qu'il me soit de nouveau nécessaire, j'imagine, de relire ce livre.
Ygwee
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Livres lus fin 2013

Créée

le 27 sept. 2013

Critique lue 363 fois

3 j'aime

Ygwee

Écrit par

Critique lue 363 fois

3

D'autres avis sur Si c'est un homme

Si c'est un homme
EricDebarnot
10

Une lecture indispensable

Il me semble que, un peu à la manière des contraintes morales qui ont été formulées quant à la représentation par l'image de l'Holocauste, il est indécent, obscène même, d'essayer de construire une...

le 11 févr. 2016

46 j'aime

5

Si c'est un homme
zardoz6704
5

Et je dois noter ce livre ?

Je ne mets des notes sur senscritique que parce qu'il est impossible de déposer une critique sans attribuer un nombre d'étoiles. Un ami m'a déjà fait remarquer que parfois je taille des films...

le 24 juil. 2014

35 j'aime

9

Si c'est un homme
VGM
8

This Lager of mine

La lecture de Si c'est un homme est une expérience indéniablement marquante. Je suis loin d'être le premier à l'écrire et, pourtant, malgré tous les avis que j'ai pu lire, je n'en ai vu aucun...

Par

le 12 mars 2015

27 j'aime

4

Du même critique

Ubik
Ygwee
6

Critique de Ubik par Ygwee

J'ai lu pas mal de Dick lorsque j'étais ado. Je les choisissais au pif dans la bibliothèque de mes parents. C'était de vieilles éditions que ma mère avait dû acheter durant les années 70. Ils étaient...

le 20 oct. 2013

3 j'aime

Si c'est un homme
Ygwee
10

Critique de Si c'est un homme par Ygwee

Au fil des ans je relis Si c'est un homme régulièrement. A chaque fois je me surprends à constater que je ce témoignage me reprend de court, comme si à chaque fois, entre temps, j'en avais oublié la...

le 27 sept. 2013

3 j'aime

Cablé
Ygwee
9

Critique de Cablé par Ygwee

J'ai le souvenir imprécis d'avoir lu il y a (peut-être) une vingtaine d'années que Câblé de Walter Jon Williams et Neuromancien de William Gibson avait été écrits plus au moins en même temps en 1983,...

le 15 sept. 2013

3 j'aime