un roman réussi mais sans grande originalité
Suite à une catastrophe ayant rendu l’air invivable il y a des dizaines ou des centaines d’années, quelques milliers de personnes vivent en autarcie dans une immense construction souterraine, le silo. Cette société, sous des apparences démocratiques (le maire et le shérif sont élus), est en fait une dictature rigoureusement organisée. Les étages les plus profonds sont habités par le prolétariat local, chargé de produire l’énergie et maintenir la machinerie, puis, les classes moyennes, producteurs de nourriture, technicien divers et enfin les dirigeants, situés au plus proche de la surface. Le vocabulaire est strictement contrôlé et toute personne émettant l’idée de sortir est envoyé nettoyer la caméra de surveillance à l’extérieur, un voyage sans retour puisque la combinaison de protection est rapidement détruite par l’atmosphère terrestre. A la mort du shérif désirant rejoindre sa femme à la surface (persuadé que le monde est en fait dépollué), un nouveau shérif, issu des niveaux inférieurs est désigné, provoquant des conflits avec la caste des techniciens.
Cela fait maintenant plus d’un an que courrait le bruit d’une collection SF chez Actes Sud. Certes, l’éditeur arlésien avait déjà publié beaucoup de livres mordant sur la science-fiction ou le fantastique (Albert Sanchez Pinol ou José Carlos Somoza pour citer les plus exemplaires), mais toujours dans ses collections de littérature générale. Autant dire que l’on attendait avec impatience cette collection dédiée et ses premiers titres.
Silo, qui inaugure donc « exofictions » est une véritable surprise. Tout d’abord, c’est le premier livre de cet auteur inconnu. Autopublié en cinq épisodes sur internet, puis repris par un éditeur américain, ce récit exploite un sujet maintes fois exploré par les auteurs de SF : la population se réfugie sous terre après une catastrophe ayant détruit la surface (on se souviendra notamment du Monde Aveugle de Daniel Galouye en 1961).
Deuxième surprise : le déroulement de ce roman est d’un classicisme total. Certainement contraint par la première publication en feuilleton, chaque partie raconte une histoire complète, à la limite de la nouvelle indépendante, avec des cliffhangers réguliers. Hormis la présence d’un ordinateur sur lequel est utilisé un navigateur, le récit ne comprend pas d’élément moderne. Il aurait pu être écrit et paraître tel quel au début des années 70. Mais Hugh Howey sait y faire. On comprend vite le succès rencontré par Silo dès son autopublication : les personnages sont attachants malgré leur coté monolithique, l’intrigue est bien menée, le style fluide et sans fioriture amène le lecteur à tourner les 550 pages sans s’en rendre compte et à avaler ce récit rapidement. Enfin, si le livre forme un tout, Hugh Howey garde suffisamment de matière et de mystères pour la suite : deux autres tomes sont déjà parus en anglais.
Bref, Silo est un roman réussi mais sans grande originalité. Actes Sud a choisi logiquement de commencer cette nouvelle collection avec un livre grand public, mais on espérait peut-être une œuvre plus ambitieuse. Cela semble être le cas pour le futur : le programme de publication annonce une réédition du formidable Tous à Estrevin de RA Lafferty et des œuvres de diverses origines non anglo-saxonnes, ce qui correspond certainement plus à « l’esprit » Actes Sud.