Ah l'Islande, ce pays extravagant où il est fréquent d'y expérimenter les 4 saisons en une seule journée ! Et celui où, dit-on, la moitié de la population écrit et l'autre moitié lit. Évacuons les clichés mais admettons sans détour que la littérature islandaise recèle tout de même un tas d'auteurs passionnants et pas seulement dans le domaine du polar. Soixante kilos de soleil commence et se termine par une avalanche et les caprices de la nature font partie du rude quotidien d'habitants épinglés dans le roman à la veille du basculement vers le XXe siècle, qui sera celui de l'ouverture de l'île au monde. L'Islande, toujours dans le giron du Danemark, va du jour ou lendemain bénéficier de la pêche au hareng, réalisée non par eux-mêmes, peu sensibles au charme de ce poisson méprisé mais par des marins norvégiens (dont le pays appartient alors à la Suède, soit dit en passant) qui voient une aubaine dans la prolifération de ces bestioles amoureuses des mers froides, près des côtes de l'Islande. Très documenté sur l'histoire de son pays, Hallgrímur Helgason fait son miel de la description de l'arrivage des premiers tonneaux de harengs dans un fjord au nom imprononçable et de leur traitement, de l'éviscération à la salaison, avec un sens de l'épopée absolument renversant. Tout le reste dans le roman est à l'avenant, exacerbé et épidermique, des phénomènes climatiques, donc, aux tragédies concomitantes, en passant par les amours tumultueuses de ses personnages. C'est que non content d'être un roman historique et social exaltant, Soixante kilos de soleil se caractérise par son humour piquant et moqueur qui n'épargne surtout pas les habitants de son beau pays. Picaresque, parfois rabelaisien, et souvent désopilant, le livre est annoncé comme le premier volet d'une trilogie qui va remonter le cours de l'histoire islandaise moderne. De quoi frétiller d'aise, à l'aune de cette réjouissante mise en route.