Grand fan de "La tyrannie de la réalité" et "Chez soi", ainsi que lecteur de littérature féministe de façon régulière, je partais confiant dans la lecture de "Sorcières" : porté par un engouement général, le livre promettait de préciser encore une pensée agrippant les enjeux contemporains des rôles que les femmes doivent/peuvent/veulent prendre aujourd'hui.
Et sur ce point, réussite : à travers les figures détestées des femmes par les hommes (enfin, le patriarcat, lequel se décline et s'intériorise aussi dans les esprits de femmes), l'autrice rappelle que cette haine provient principalement du fait qu'elles menacent, concrètement ou symboliquement, les privilèges sociaux masculins.
Pourtant, le livre donne le sentiment de manquer d'un certain liant, ou d'une certaine toile de fond qui permettrait de mieux juger de notre accord avec ses argumentaires. Dans mon cas, ce fut pour le chapitre qui concerne le non-désir d'enfant, qui est pour partie porté par un discours sur la volonté de développement et d'accomplissement personnel. Devenir mère, cela voudrait dire vivre avec un boulet qui nous empêche de gravir des sommets, de nous dépasser et de nous accomplir.
Oui, mais depuis quel point de vue social ? Celui d'un idéal bourgeois d'individualité intellectuelle poussée au bout de ses capacités de production, dans un geste désintéressé de leg d'un bien au monde pour qu'il devienne meilleur ? (Au lieu, comme on peut le lire dans Sorcières, de mettre des enfants dans un tel monde déglingué, pollué, etc.?). On sent un peu cela sans pouvoir l'affirmer (Mona Chollet ne mobilisant pas sa situation personnelle pour cet argumentaire-là, tandis qu'elle peut le faire pour se mettre au niveau de madame tout le monde à d'autres occasions, comme affirmer sa vulnérabilité face à l'autorité médicale).
Bien qu'elle prenne beaucoup de précautions pour ne pas juger les femmes qui font le choix de la maternité (le propos du livre étant bien entendu de légitimer des choix encore perçus comme étranges, et non de critiquer des choix accepté comme mauvais car dans la norme), ce chapitre en particulier me semblait périlleux - ma lecture ayant ses limites aussi puisque je suis un homme, père, et qui adore la paternité. Bref, en savoir plus sur l'endroit d'où parle Mona Chollet, socialement, aiderait à mon humble avis à mieux se saisir de certaines de ses idées, sans pour autant les réduire à des opinions applicables à elles seulement.