Le 7 février 1497, en deux points de l’Europe, ont lieu deux événements sans lien apparent : le fameux « bûcher des vanités » orchestré par Savonarole d’une part, et de l’autre l’écriture d’un lamento funèbre par Josquin des Prés. Deux visages - l’un menaçant, l’autre éploré - de la Vanité qui inspirent à Claro ce memento mori qu’est Sous d’autres formes nous reviendrons.
Comme toujours, et en dépit d’une veine autobiographique qui affleure par endroits, c’est le langage et la littérature qui sont au cœur de cette méditation poétique qui, partant de quelques images canoniques de cette mort à venir (les vanités flamandes et leurs crânes, le film la Momie de Freund, la vie arrêtée des habitants de Pompéi), cherche dans les nombreux auteurs cités (Artaud, Venaille, Roubaud pour n’en citer que trois qui reviennent quelques fois) et par un vaste jeu d’associations, des appuis, de quoi alimenter ce « creuset de feu et de viande vraie » (pour emprunter à mon tour ce mot d’Artaud qui parle, lui, du théâtre) qu’est la poésie.
Traversé par des images de feu - qui détruit, purifie ou fait renaître -, cousant ensemble ce vaste réseau de références, Sous d’autres formes nous reviendrons pourrait être un bûcher des vanités inversé si ne pointait pas constamment chez Claro ce soupçon que la littérature pas plus que le reste n’est un élixir d’immortalité. Mais que faire d’autre qu’écrire pour « jouer au trépas », que faire de la langue en feu sinon une gangue de lave bientôt solidifiée qui, comme à Pompéi, dessine le contour en creux du corps bientôt disparu ? Un memento mori de plus, dont l’injonction ultime est presque une consolation : n’oublie pas de mourir.