Bonjour à tous,
Me voilà devant vous avec ce livre que j' ai adoré. Un coup de cœur récent. Et oui ! Que voulez-vous ? Je dois être un sale réactionnaire, si j' adhère à ses idées, voire antisémite ( opprobre suprême ! ).
Trêve de plaisanteries. Soyons sérieux.
"Ah! plutôt le désespoir, s'écria-t-il, et tous ses tourments qu'une lâche complaisance pour les oeuvres de Satan!"
Ce cri de l'abbé Donissan, le personnage central de l'oeuvre, est de l'avis de plusieurs, celui-même de Bernanos. En effet, selon de nombreux exégètes, l'invention de sous le soleil de Satan répond à un besoin de refus et de contestation de la part de l'auteur. Ce sont les déceptions et les colères de l'après-guerre, le spectacle quotidien de l'avilissement universel et la détérioration des valeurs chrétiennes qui l'ont amené à écrire ce chef-d'oeuvre.
L'abbé Donissan apparaît sous les traits d'un portrait-charge de l'être face au néant de la décrépitude de la chrétienté. Bernanos le présente comme l'expression de ses aspirations. Il est le porte-parole de sa philosophie. C'est la raison pour laquelle ce roman porte toutes les marques de la fougue d'un écrivain qui n'obéit qu'à la force de l'inspiration. Il s'efforce de traduire avec les mots une réalité intérieure, la finalité étant d'attirer l'attention de la communauté des hommes sur la situation inconfortable qui sévit dans le monde chrétien.
Par ailleurs, il nous semble que Georges Bernanos voudrait atteindre d'autres rivages du spirituel. Parmi les personnages qui interviennent dans ce roman, il y a Mouchette, une jeune adolescente qui a touché jusqu'au fond l'horreur du vice.
Pourtant, la peinture de ce personnage n'est ni gratuite, ni innocente dans l'économie du récit. Son existence est corrélative à celle de l'abbé. Par l'une et l'autre, le romancier a voulu faire découvrir les mystères profonds d'un monde dominé par Satan d'une part et par la grâce de Dieu d'autre part.
C'est l'image du Bien et Mal s'affrontant.
Enfin, dans ce texte, Bernanos présente une vision singulière de la sainteté. Nous avons relevé que les circonstances externes qui ont présidé à la rédaction de son premier roman sont, pour l'essentiel, la nausée d'une réalité sociale déconfite. Il s'agit alors pour l'écrivain de pourfendre la tiédeur et l'hypocrisie des milieux cléricaux.
Il fait aussi la diatribe d'une société d'après-guerre qui a laissé éclater en son sein les injustices et la mauvaise foi. L'abbé Donissan symbolise les qualités qu'il voudrait voir habiter l'homme: justice sociale et surtout abandon à Dieu.
La science, les progrès de la technologie et les idéologies politiques sont loin d'actualiser cet idéal de quiétude et d'accomplissement heureux de l'homme. Celui-ci n'étant possible que par la fusion de l'homme et de la Charité du Christ.
C'est une superbe - et ô combien vertigineuse - plongée dans les tourments de la foi et de l'âme humaine que nous offre ici Georges Bernanos. Oeuvre complexe et profonde, ce roman noir dépeint avec une grande finesse et d'une plume singulière le combat d'une vie, l'affrontement éternel entre la Lumière de Dieu et la Fausse Aurore du Diable.
Voici donc le jeune abbé Donissan, simple vicaire de campagne doté d'une humilité touchante et pourtant si peu sûr de lui, errant timidement dans ce monde sans parvenir à le comprendre. Il devra, pourtant, rencontrer le Diable. Ce compagnon qui sera celui de toute une vie, plongeant dans le tourment, une existence déjà perdue.
Je pourrais, je le pense, passer des heures à évoquer le lourd parfum de ténèbres qui s'échappe de ce récit. Ces accents de tristesse, d'oubli, de souffrance, ces notes aiguës de solitude et de désespoir, ces froides images de pluie, de nuit, l'air glacial des Églises et la noirceur de l'étroit confessionnal.
C'est le récit violent d'un grand cœur ouvert à l'Amour de Dieu, qui peu à peu s'étiole et se déchire sous les cris incessants, les souffrances des âmes qu'il voit et console sans jamais les guérir.
Mais, au delà de la fiction, s'exprime toute la personnalité de l'auteur, dont les interrogations, les luttes et les doutes ne sont autres que ceux, si nombreux, du prêtre torturé. Et peut-être les nôtres, également. Car, si l'abbé n'a de cesse de "descendre en lui même", afin d'explorer toutes les strates de son être, c'est à l'intérieur de nous-mêmes que l'auteur nous invite à plonger, partageant tout à coup nos craintes, nos errances, et le mystère de nos existences.
Mais n'oublions jamais qu'il est là, Satan, le maître cruel, qui, du haut de son noir soleil, illumine la conscience des hommes.
Sur ce, je vous laisse découvrir ce petit bijou. A vos lorgnettes, que diable ! Bernanos est du niveau de Céline, selon moi, ou de Léon Bloy ( que des grands noms ! )... C' est une bouffée d' oxygène, au niveau de la pensée. Continuez à lire ! Lire nous rend libre, braves gens ! Tcho. Et gloire à Bernanos. @ +.