Ce livre fait comparaître la justice devant le tribunal de l’Immoraliste. Par petites touches, ces quelques notes forment un réquisitoire très court mais troublant contre l’institution, où les jurés rendent leur verdict davantage en fonction du casier judiciaire qu’en s’appuyant sur des preuves, sans vraiment comprendre les raisonnements juridiques, et parfois même comme une sorte de défi lancé au président de la cour ! Ainsi, bien que ce témoignage date de plus d’un siècle, et que le fonctionnement de la justice ait beaucoup évolué, il pose des questions toujours d’actualité : sur quelles bases condamne-t-on ? Juge-t-on sur les faits, ou les impressions données par l’accusé à l’audience ? Dans quelle mesure le président peut-il manipuler le jury ? etc.
Mais ces questions sont moins développées qu’esquissées par l’auteur, qui rédige des brèves d’audiences plutôt que de longues chroniques judiciaires ou un essai. Et l’on voit là tout le talent de Gide qui fait en quelques traits un portrait saisissant des accusés et des témoins, et pointe les bizarreries de la psychologie et du comportement.
Gide s’était donné pour rôle d’ « inquiéter » : l’affaire est entendue !