Quand vient la question du meilleur roman Star Wars, l'un des noms revenant très régulièrement est celui de Dark Plagueis. Après tout, tous les ingrédients sont réunis : l'un des meilleurs auteurs de l'univers étendu, un personnage mystérieux et très emblématique, la mise en place de tout le contexte de La Menace Fantôme sur fond de complots politiques ...
Oui, tout est là, y compris des problèmes de cohérence et d'écriture.
Mais n'allons pas trop vite. James Luceno est un grand de l'univers étendu, un mordu de Star Wars. C'est évident au vu du nombre de références hallucinant qu'il parvient à introduire dans son roman, sans que cela fasse forcé ou malvenu. Tout coule de source. Et plus encore LE très gros point fort de ce livre : les conspirations politiques. Toutes les manipulations de Plagueis et Sidious sont un immense plaisir à suivre tant ils brillent de subtilité et s'alignent à la perfection pour se figer sur le contexte de La Menace Fantôme.
Le travail abattu pour détailler les diverses entreprises, camps politiques et clans de la pègre force le respect.
Luceno met également un point d'honneur sur le personnage de Plagueis. Chacun de ses dialogues, chacune de ses leçons données à Palpatine sont passionnants à lire. Très intelligent, manipulateur et plein de leçons sur le pouvoir, la Force, les Jedi, le mal ... Tant de thématiques abordées dans ce roman.
De nombreux personnages comme Qui-Gon ou Sifo Dyas font une apparition, toujours pour débattre des sujets ci-dessus.
De part cette maîtrise de l'univers et de son personnage principal, avec toutes ces intrigues politiques menées de main de maître, on est en droit de se dire qu'il s'agit d'un des livres les plus importants de l'Univers Etendu. Et c'est le cas.
Cependant, là où le bât blesse, c'est par rapport au traitement de Palpatine, à de nombreuses démystifications ou encore de nombreuses erreurs de cohérences.
On regrette que Palpatine soit coincé entre deux chaises : le représenter comme bon à la base détruirait cette figure de mal absolu que les six films se sont évertués à dépeindre ; le représenter comme le mal absolu n'est juste pas intéressant. Montrer la jeunesse de Palpatine, avant qu'il devienne Sith était voué à l'échec, quoi qu'il arrive.
Résultat : on a un Palpatine qui a des problèmes avec sa famille, mais qui décide de tous les tuer dès que Plagueis, qu'il connait à peine, sous-entend avoir éliminé sa famille car le gênant pour ses aspirations. On a le pire des deux mondes : une tentative d'expliquer le chute de Palpatine tout en en faisant un connard de base. George Lucas l'a dit lui-même, faire un antagoniste méchant dès son origine, ça n'est pas intéressant.
Palpatine est d'ailleurs bien trop puissant avec la Force, avant même d'être entraîné. Lors du massacre de sa famille, il fait montre de pouvoirs de la Force inégalé, même dans les films de part leur brutalité et leur puissance. Capable de déchirer les corps juste avec la Force.
Sur le plan de la démystification : La Règle des Deux. Je ne peux m'empêcher de grincer des dents quand ce roman nous explique que la quasi totalité des Sith suivant Bane et Zannah n'ont pas respecté cette règle, ni même sa philosophie. Jusqu'à même nous parler d'un Sith étant revenu du Côté Lumineux, détruisant des centaines d'années de travail et de connaissances.
Ce choix est plus que discutable car La Trilogie Dark Bane avait méticuleusement détaillé toute l'évolution et le cheminement de pensée de Bane afin d'arriver à établir cette Règle des Deux, la philosophie qu'il y a derrière et pourquoi elle fut si bénéfique aux Sith. Toute la trilogie montrait en profondeur Bane et Zannah qui mettaient tous leurs efforts à adhérer à cette règle qui représentait le seul moyen de victoire des Sith.
Et lorsque tout à coup, Luceno nous dit qu'aucun des suivants n'a respecté cette règle, il en ressort un sentiment de quasi trahison. Ce grand plan de plus de 1000 ans sonne tout à coup comme un coup de chance, un heureux hasard que ses membres aient parvenu à transmettre une idéologie en laquelle ils ne croient même pas et n'adhèrent pas complètement.
Cette "révélation" remet aussi en question la crédibilité de ces Sith, incapables de choisir des apprentis sérieux et respectant la Règle des Deux, ou encore des maîtres incapables de transmettre leurs connaissances. Le pire étant celui ayant basculé du Côté Lumineux (réduisant encore la force de ce revirement chez Vador dans Le Retour du Jedi) et tenté de détruire tout l'héritage Sith.
Plagueis, Tenebrous et Palpatine ont eux-mêmes trahi cette Règle. Très dommage d'amoindrir autant ce concept si fascinant qu'est la Règle des Deux.
Enfin, les incohérences. Il y en a trop pour considérer ce livre comme excellent.
Que ce soit Plagueis qui tue arbitrairement certains élèves cachés de Tenebrous, mais pas tous alors qu'il en avait l'occasion, Plagueis qui montre ses pouvoirs du Côté Obscur à une foule entière, Plagueis qui tue un Sénateur important avec l'étranglement de Force, ce qui aurait été détecté et aurait mené à une enquête pouvant mener à Plagueis s'il y avait eu autopsie ...
Ou encore le massacre des Grans Sénateurs au sabre laser, une nouvelle fois sur Coruscant. Si une autopsie avait eu lieu, les Jedi en auraient entendu parlé, auraient enquêté et auraient très certainement remonté la piste à Plagueis, notamment du fait de son grief avec eux.
Ces incohérences sont gênantes car les Jedi auraient dû avoir vent de l'existence de Plagueis ou même l'auraient démasqué voire éliminé si la logique était respectée.
Malgré cela, Dark Plagueis reste un très bon roman qu'il est difficile de ne pas recommander. Sans être parmi les meilleurs romans de Star Wars, il n'en demeure pas moins une pierre angulaire.