Après les dessous des banques suisses dans La soustraction des possibles et les dérives des jeux de téléréalité dans Les corps solides, l’écrivain franco-suisse redouble d’inventivité et de loufoquerie pour un road trip déjanté dans une Amérique de tous les clichés où le pire est toujours possible.


A dix-neuf ans, Stella l’Américaine dispense tellement d’amour que l’incroyable se produit : à son contact, les guérisons miraculeuses se multiplient et la foule se presse déjà à la porte de son camping-car, elle qui vit modestement dans le sillage d’un cirque ambulant. Ravie de l’aubaine, l’Église se voit aussitôt prête à prononcer les mots « santa subito », quand apparaît un obstacle de taille. Les amours de Stella sont tarifées, elle est « une sorte de Vierge à l’envers » qui, la sensualité incarnée, n’a trouvé, face au regard des hommes, qu’une « seule façon […] de n’appartenir à personne […] : se donner à tout le monde. » Dès lors la femme à abattre pour le Vatican – quoi de mieux qu’une martyre pour faire une sainte ? –, la voilà pourchassée par deux terribles tueurs à gage, les frères Bronski tout droit sortis d’un film à la Tarantino. Heureusement, aux côtés de la Bête face aux Truands, deux Bons vont tâcher de la défendre : le Père Brown – ex-Navy Seal – et Luis Molina, un journaliste à qui cette affaire inespérée pourrait bien valoir le Pulitzer.


N’hésitant pas à commenter ironiquement l’écriture de cette fantaisie où le dingue le dispute au burlesque, l’auteur joue avec jubilation de son idée folle, complètement à rebours du dogme de l’Église, pour en même temps rire, constamment au bord du pastiche, de la manie américaine du héros et des archétypes dans la construction de la mythologie nationale. Et tandis qu’il multiplie les clins d’oeil aussi bien à la littérature pulp et hard-boiled qu’au cinéma des frères Coen ou de Tarantino, il emplit son roman de freaks passés irrémédiablement à la trappe du rêve américain.


Plus loufoquerie que véritable satire, cette comédie à l’américaine à l’humour résolument déjanté ne restera peut-être pas l’ouvrage le plus mémorable de l’auteur. Elle n’en offre pas moins une lecture plutôt drôle et récréative, que l’on imagine aisément portée à l’écran.


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Cannetille
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