« Suicide. »
Être saisie par ce titre effrayant. Puis faire confiance, oser et découvrir un texte inouï et inoubliable.
Un texte rempli d’instants et de sensations ; parce qu’il serait vain d’expliquer la mort alors mieux vaut raconter la vie.
Dans « Suicide », un narrateur s’adresse à son ami qui a mis fin à ses jours. Au fil de ses souvenirs, il dresse son portrait et décrit ce qu’a été la vie de cet homme. Il se remémore sa façon d’être, d’agir, de penser. Il retrace ses obsessions, ses habitudes, ses errances.
Il ne tente surtout pas de comprendre le passage à l’acte : « Expliquer ton suicide ? Personne ne s'y est risqué.» Il sait bien que, même si les tentatives d’explications sont inéluctables, elles restent vaines - « Les gens qui te survivent se sont interrogés, ils n'auront pas de réponse à ces questions. » Mais « y-a-t-il de bonnes raisons de se suicider ?» pose-t-il. La seule conclusion possible serait peut-être « mais dans la balance, l’accalmie de ta mort l'emporta sur l'agitation douloureuse de ta vie. »
Au travers d’innombrables détails, le narrateur approche la façon de vivre de son ami. Il dessine la vacuité et parfois l’absurdité de son existence et avance pas à pas vers ce qui restera à jamais une hypothèse : « Un jour tu t'es destiné la violence donc tu avais hérité. (…) Tu t'es destiné une violence que tu n'eus pas pour les autres, à qui tu réservais toute ta patience et ta tolérance. »
Enfin et surtout, la 4ème de couverture nous apprend qu’«Édouard Levé s’est suicidé dix jours après avoir remis son manuscrit à son éditeur ». Il avait 42 ans.
L’auteur et le narrateur se confondraient-ils ? Édouard Levé parlerait-il de lui-même dans ce livre et de sa mort qu’il préméditait ? Là encore, il nous faut accueillir l’absence de réponse et ressentir l’effroi devant cette mise en abyme bouleversante.