Suicide. Avec un titre pareil, le ton est donné. Et le style poursuit cette dimension clairement affichée par l’auteur. Suicide est une odyssée. Celle de la vie d’un homme décédé, décrit par l’un de ses amis. Il vit, nous l’observons. Edouard Levé décrit, patiemment, avec une chirurgicale douceur, les diverses étapes d’une vie désormais racontée de façon antéchronologique.
Cet homme nous apparaît, dans toute son affolante et complexe simplicité. Désespérément humain. Nous apprenons à le connaitre. Nous cherchons à le comprendre sans y parvenir. Nous ne le pourrons jamais. L’auteur non plus. Il liste des étapes, des détails. Il les relate sous forme de paragraphes de longueur inégale. Il lui parle, et semble lire ses pensées. Mais certains recoins demeurent inaccessibles. Un mystère s’installe, teinté de mélancolie. Celle-ci est cotonneuse, et enveloppe plus qu’elle ne se transmet. Le lecteur se love en son sein.
L’ouvrage n’est pas déprimant. Surprenant. Il ne pousse pas au suicide, ni le glorifie. Surprenant. L’auteur ressemble au personnage. Il s’est donné la mort comme lui. Il le comprend. Petit à petit, le livre devient presque biographique. La réalité rejoint la fiction. Il n’en devient que plus touchant. Perturbant.
Suicide, manuscrit rendu 10 jours avant la mort de son auteur. Comment ne pas y voir une forme d’art ultime ? Le probable jusqu’au-boutisme est dérangeant. Le livre n’en demeure pas moins sublime.