Sunset Park
7.2
Sunset Park

livre de Paul Auster (2010)

Déjà vu ou déjà lu, le dernier Paul Auster ? Oui et non. Les familiers de l'univers de l'écrivain américain ne seront pas surpris par la trame et le style de Sunset Park, ce talent qu'il a pour développer une intrigue principale et de la nourrir par de nombreux personnages périphériques qui occupent, un temps, le devant de la scène, avant de céder leur place. Pendant près de 200 pages, on attend les retrouvailles d'un jeune garçon et de son père, qui ne sont pas vus depuis plus de 7 ans, et celles-ci sont finalement expédiées en quelques scènes, Auster montrant une fois encore que l'attente, la frustration et le désir, à l'intérieur d'un roman, sont bien plus forts que leur concrétisation, en définitive décevante. Livre sur la faute originelle et la culpabilité de son jeune héros qui "s'était répandue en lui comme une maladie", Sunset Park ne déçoit pas dans l'analyse psychologique de ses différents protagonistes, toujours très fine, et dans leur relation au monde, en général, et aux autres, en particulier. A travers deux générations, celles du père et du fils, l'auteur dresse un portrait passablement désabusé de l'Amérique d'aujourd'hui, "un pays en train de s'écrouler", qui le rapproche d'un Philip Roth, auquel le livre fait parfois penser, y compris dans ses passages érotiques. Et, comme souvent, Auster nous gratifie d'une longue digression sur une oeuvre typique de la culture américaine, qui fait ici écho à la tonalité de son roman, d'une grande amertume et pessimisme. En l'occurrence, il décortique Les plus belles années de notre vie, le très beau film de William Wyler (1946), qui raconte la difficile réinsertion dans la vie civile de soldats brisés par la guerre, tant du point de vue physique que psychologique. Le parallèle avec Sunset Park est lumineux : fin de la croyance dans les valeurs ancestrales de l'Amérique, blessures à vif et désillusions en bandoulière. Reste à se réinventer de nouvelles raisons d'y croire pour avancer et ne pas sombrer. Ce n'est pas gagné semble dire Auster dans la conclusion de son livre, particulièrement noire et sans grand espoir pour le futur.

Cinephile-doux
8
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le 16 janv. 2017

Critique lue 364 fois

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