Sous-titrée « comédie » (on se demande quand même un peu pourquoi), cette pièce a pour toile de fond la révolution ouvrière spartakiste de Berlin en 1919, animée par Rosa Luxembourg. C’est le moment où les spartakistes occupent le quartier des journaux, dont «Vorwärts », le journal du Parti Social-Démocrate, qui se montrait hostile au mouvement spartakiste.

La révolution reste constamment en arrière-plan de la pièce, avec des bruits, des cris, des canons qui circulent, des détonations, et une symbolique lourdingue (une lune rouge… en papier), et des échanges verbaux assez heurtés où il est question de « rouge ».

L’intrigue, c’est le retour de Kragler, soldat allemand revenu du front d’Afrique, personnage oscillant entre l’ange et le cadavre (car tout le monde – les bons bourgeois surtout – le croyait et le voulait mort). Le côté « comédie » - s’il y en a un dans cette pièce pleine d’engueulades et d’invectives -, c’est que Kragler finit par récupérer sa fiancée, Anna, engrossée entretemps par un personnage profiteur de guerre et assez infect, Frédéric Murk. Ce dernier souffre de n’avoir pas été un héros de guerre, comme Kragler.

Cette pièce traduit l’indignation de Brecht contre l’ingratitude dont sont victimes les soldats allemands réchappés du conflit, aussi bien que contre les « bourgeois » -optionnellement sociaux-démocrates – qui ont mis à profit le conflit pour se livrer à quelque trafic juteux.

L’Acte III, bizarrement intitulé « Chevauchée des Walkyries », renvoie ironiquement à ces profiteurs de guerre – qui, contrairement aux Walkyries, ne se sont jamais battus, et que l’on voit défiler sur la scène. Vers la fin, Kragler démystifie le spectacle en soulignant que tout ceci n’est que du théâtre, et manipule le tambour issu de l’orchestre mécanique, tambour qui est nommé dans le titre de la pièce. Premier exemple clair de « distanciation » brechtienne, supposée rompre la vitre qui sépare l’illusion théâtrale du réel, et donc amener le spectateur à prendre conscience des réalités politiques dont la narration théâtrale a pu, un instant, donner une représentation adultérée par le lyrisme.

L’action est supposée finir dans un grand lit. Confortable pour Kragler, certes, mais en arrière-plan, on massacre les spartakistes. Donc, pas grand-chose de drôle dans cette « comédie », juste des amoureux qui se retrouvent. Ce n’est déjà pas si mal.
khorsabad
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le 4 déc. 2013

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