La famille Bundren est en deuil: la mère est morte.
On ne peut s'empêcher de penser que leur nom sonne comme "burden", le fardeau. Comme si la famille était elle-même sa propre croix à porter.
Le roman est un assemblage de voix intérieures dissonantes et solitaires, symbole du silence de la rusticité . Car s'ils ne se parlent pas leurs pensées sont assourdissantes.
Le bien mourir des philosophes de notre temps se transforme en un travail manuel. Il faut construire le cercueil de la mère mourante. JL Barrault consacrera à cette agonie sa première mise en scène "Autour d'une mère". Le programme est déjà là.
Les scènes se déroulent dans des décors d'inspiration biblique avec l'eau ou le feu comme éléments à combattre autour du Mississippi, ce fleuve que plus tard Kerouac décrira comme vaseux, mourant, croupi. Ici le courant est violent et menace de tout emporter comme ce stream of consciousness à la Joyce, le flot qui charrie les pensées des personnages dans un texte sans ponctuation, sans filtre donc comme ce qui passe dans l'esprit des enfants Bundren.
Au final, la mère n'a qu'un constat :
"Les mots ne servent à rien". Ils sont "Une forme pour combler un vide".