À Tokyo, de nos jours, un café plus ou moins anonyme fait l’objet d’une légende urbaine : sous certaines conditions, on pourrait y retourner dans le passé. Ce point original est expérimenté par quatre personnes successives, le dernier épisode faisant monter l’émotion.
Au Funiculi Funicula, on ne se pose pas trop de questions et on ne sait même pas comment les choses ont commencé. Par contre, les amateurs de culture japonaise s’amuseront de trouver une sorte d’écho avec La cantine de minuit, série manga qui a connu le succès au Japon, alors que Tant que le café est encore chaud nous arrive également précédé d’un beau succès populaire dans son pays. En effet, l’action se situe dans deux endroits qui se ressemblent pas mal (ici une clochette fait ding-dong à chaque sortie ou entrée de client, à La cantine de minuit, la porte coulissante à l’entrée fait du bruit à chaque fois qu’on l’actionne). Mais le Funiculi Funicula doit être plus grand, en particulier parce qu’il est tenu par trois personnes (contre une seule pour La cantine de minuit) et on y trouve des toilettes, ce qui ne semble pas le cas pour La cantine de minuit. Par contre, dans les deux établissements on trouve une galerie d’habitués parmi la clientèle.
Les règles du voyage dans le temps
Les deux cas qui font l’objet des deux premiers chapitres ne présentent qu’un intérêt relatif. Ils permettent néanmoins de faire sentir l’ambiance dans le café et aussi de faire la connaissance avec ses employés ainsi qu’avec les clients qu’on y voit régulièrement. Surtout, on se familiarise avec les règles, assez précises, concernant le voyage dans le temps. La personne qui veut retourner dans le passé doit commander un café et le finir tant qu’il est encore chaud, ce qui ne lui laisse que peu de temps pour profiter de son exploration. La personne doit également être assise à un endroit bien précis. Or, à cet emplacement, une femme en robe blanche stationne le plus clair de la journée, très occupée par sa lecture d’un bouquin. En fait, il s’agit d’un fantôme (grand classique de la culture asiatique), celui d’une femme qui n’a pas respecté la règle du retour dans les temps. Le seul moment où elle abandonne la place, c’est quand elle va aux toilettes, pour se soulager la vessie après ses absorptions de thé. Les candidats aux voyages sont donc priés de guetter ses pauses pipi pour s’installer au bon endroit, parce que sinon elle fait comme si elle n’entendait pas les demandes pour dégager la place. Autre règle à respecter, le retour dans le passé s’effectue sans déplacement physique, il faut donc s’assurer que la personne qu’on cherche à voir sera bien présente au jour et à l’heure souhaités. Enfin, il faut savoir que, quoi qu’il arrive, le cours des choses (le présent notamment) ne sera jamais modifié. Ainsi, si une personne doit partir à l’étranger pour prendre l’exemple du premier cas, rien ne pourra changer ce fait. Par contre, on s’aperçoit que rien n’empêche un voyage dans le futur, mais avec les mêmes précautions.
Voyageurs et voyageuses
On fait ainsi la connaissance du propriétaire du Funiculi Funicula, de sa femme Kei et de Kazu, leur employée (celle qui sert les tasses de café), ainsi que de la femme en blanc et d’une habituée. Après les deux premiers chapitres, le suivant fait monter l’émotion d’un cran puisque désormais il est question de personnages dont la vie est profondément bouleversée par la disparition d’un proche. Enfin, le quatrième et dernier chapitre fait intervenir Kei, dans une situation inattendue qui la verra expérimenter le voyage dans le futur. Une situation plus ou moins improvisée qui entraîne une certaine fébrilité et donc de l’imprévu. Submergée par l’émotion, Kei se révèle incapable d’aller au bout de ce qu’elle voulait. Il faut dire que l’émotion envahit également la personne qu’elle finit par avoir face à elle, mais aussi le lecteur (la lectrice) qui réalise combien la situation imaginée par l’auteur peut bouleverser.
Une lecture agréable
Le Japonais Toshikazu Kawaguchi exploite donc plutôt bien son idée de base, même si les règles du voyage dans le temps ne sont pas aussi strictes qu’elles devraient pour ne rien bousculer de l’ordre des choses. Nous ne sommes pas dans un roman de science-fiction classique, mais dans de la littérature contemporaine destinée avant tout à procurer des émotions en surprenant. La lecture est d’ailleurs très facile, car le roman est peu épais (239 pages en caractères assez gros), comporte relativement peu de personnages, quatre chapitres pour quatre situations qui s’enchaînent et pas mal de dialogues. Ne pas en attendre une réflexion philosophique poussée, mais plutôt un bon moment qui va crescendo dans l’émotion.
Critique parue initialement sur LeMagduCiné