J'aurais préféré le matamore

L'argument du célèbre Tartarin de Daudet est bien connu ; publié en 1872, il met en scène les mésaventures de son personnage éponyme, un proverbial vantard méridional, dont les bavardages inconsidérés le poussent à s'embarquer en Algérie pour une incertaine chasse au lion. Ce conte démythifiant sera l'occasion pour Daudet de créer une sorte de reprise du Quichotte, souvent cité, mais adaptée à la sauce provençale de l'écrivain nîmois.

Le Tartarin de Daudet est une œuvre à peu près aussi plate et frivole que son projet initial le laisse soupçonner, et elle sent bon la facilité des journaux de son temps dans sa structure en trois épisodes d'égales longueurs, nourris d'assez importantes descriptions, parfois à visée didactique. C'est un conte réaliste qui a pour but d'opposer à un rêve stéréotypique d'Orient une réalité plus vulgaire et terre-à-terre, et Tartarin connaîtra plusieurs disgrâces successives à chaque fois qu'il se prendra à trop rêver sa vie plutôt qu'à la vivre. On reste dans un paramétrage narratif très classique qui ne se distingue jamais ni par son esprit, ni par son style, ni par la finesse de ses différentes scènes très attendues. Et à la fin, tout rentre dans l'ordre sur un quai de gare, c'est la IIIe République.

On notera quand même, notamment à la fin du texte, une volonté intéressante de l'auteur de critiquer la façon dont l'entreprise coloniale organise l'espace de façon à la fois inefficace et viciée. Ce n'est pas beaucoup à se mettre sous la dent.

Tout de même, ça sent le banc d'école et la littérature facile un peu rance, un peu naphtalinée. C'est trop plan-plan, Daudet, au fond. Je ne suis pas sûr qu'il survive à encore beaucoup de générations.