Amoureuse des chiens, Agatha Christie s'attacha en particulier à un fox-terrier à poil dur qui l'accompagna de longues années, et auquel elle rend hommage dans ce roman policier écrit en 1937.
Car le "Témoin muet" du titre, c'est bien cet animal de compagnie appartenant à la vieille Lady Arundell, qui vit seule avec sa dame de compagnie, recevant de temps à autre ses futurs héritiers, qu'elle apprécie modérément en raison de leur moralité douteuse et de leur propension à dilapider.
Inquiète à l'issue d'un accident suspect survenu en leur présence, la vieille dame écrit un courrier à Hercule Poirot, lui demandant indirectement son aide pour dissiper ses macabres interrogations.
Hélas, la lettre est égarée, et lorsqu'elle arrive à destination deux mois plus tard, Lady Arundell est bel et bien décédée, de mort naturelle semble-t-il.
Ni une ni deux, Poirot et Hastings se rendent sur place (sous une fausse identité) et mènent leur enquête dans l'entourage de la victime.
Au delà de la présence anecdotique du chien, prétexte assez artificiel, "Témoin muet" est un whodunit classique et plaisant, qui ne manquera pas de tromper le lecteur sur la véritable identité du meurtrier, entre fausses pistes et indices nébuleux.
Agatha Christie esquisse une galerie de personnages hauts en couleur dont elle a le secret, à l'image de la vieille Miss Peabody, qui déblatère avec une régularité de métronome tout un tas d'horreurs sur ses concitoyens.
On appréciera également l'inhabituelle audace et la soudaine ironie du capitaine Hastings, plus mordant que d'ordinaire, formant avec son compère belge un duo plus attachant que jamais.
Le principal bémol tient dans le caractère parfois redondant du récit (combien de fois nous répète-ton que Charles est un mauvais sujet sympathique, escroc amoral et charmeur?) : il est apparu dans les carnets posthumes d'Agatha Christie que "Témoin muet" était à l'origine une simple nouvelle, ceci expliquant sans doute cela.