Second opus des enquêtes du duo de détectives Patrick Kenzie - Angela Gennaro, marqué par une nette évolution en matière de registre. La critique sociale est bien moins présente que dans le premier, l'excellent "Un dernier verre avant la guerre". Car on est ici beaucoup dans un thriller classique, avec serial killer dément, psychotique et tout le tremblement. Plutôt gore, en fait, et je suis toujours un peu réticent devant ces romans qui, parfois, ne brillent que par l'imagination que leur auteur déploie pour décrire des sévices et tortures dont l'art littéraire ne s'est encore jamais emparé.


Heureusement, ce n'est pas totalement le cas ici, même s'il faut convenir que Lehane s'est bien défendu en la matière. La narration, toujours du point de vue de Patrick Kenzie, permet au lecteur de conserver une certaine distance d'avec les supplices infligées aux victimes du psychopathe. Et l'humour dont fait preuve le narrateur reste bel et bien présent, même s'il est un cran en dessous par rapport au premier opus. Il faut dire que l'intrigue prête beaucoup moins à rire. Ce n'est pas qu'il n'y avait pas force massacres dans "Un dernier verre avant la guerre", mais là c'est beaucoup plus cruel. Cela dit, avec un titre comme celui-ci, il ne fallait pas non plus s'attendre à une bluette.


De plus, Lehane parcourt encore avec talent toute une gamme de sentiments humains et de comportements sociaux qui s'entremêlent de façon souvent chaotique : amitié, mépris, amour, peur, que dis-je terreur, pouvoir, répulsion, haine, vengeance. Il y a sans doute aussi dans tout ça quelque chose de mystique, de religieux, un peu à la façon d'un Abel Ferrara. Car ça revient par petites touches, de temps à autres, au fil de la lecture. Et ce n'est certainement pas par hasard que figure en début de bouquin une citation de "La puissance et la gloire", de Graham Greene. Le tout étant servi dans une ambiance ultra-violente. Avec des armes à feu omniprésentes. Risquons ainsi la thèse qu'il s'agit peut-être une peinture de la société étasunienne, lorsque tombent les masques des conventions...


Et si l'intrigue est par moment un peu embrouillée et complexe, il est difficile, une fois qu'on est entré dans ce bouquin, de le lâcher. D'autant que le rythme, un peu lent au début, va en s'accélérant au fil des pages.

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2019

Créée

le 10 oct. 2019

Critique lue 391 fois

6 j'aime

3 commentaires

Marcus31

Écrit par

Critique lue 391 fois

6
3

D'autres avis sur Ténèbres, prenez-moi la main

Ténèbres, prenez-moi la main
Jben
9

Critique de Ténèbres, prenez-moi la main par Jben

Après une bonne entrée en la matière, Denis Lehane passe la vitesse supérieure avec ce deuxième roman de la série qui met en scène le tandem de détectives privés Patrick Kenzie & Angela Gennaro. Un...

Par

le 16 août 2010

9 j'aime

Ténèbres, prenez-moi la main
Marcus31
7

Paint it black

Second opus des enquêtes du duo de détectives Patrick Kenzie - Angela Gennaro, marqué par une nette évolution en matière de registre. La critique sociale est bien moins présente que dans le premier,...

le 10 oct. 2019

6 j'aime

3

Ténèbres, prenez-moi la main
oso
9

On y resterait bien, dans les ténèbres

Quel bouquin ! Impossible de relever les yeux lors de la lecture des 150 dernières pages, tout s'enchaîne à une vitesse folle, Lehane maîtrise son style et réussit à instaurer dans son récit une...

Par

le 18 févr. 2014

3 j'aime

1

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

42 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime