Souriez, c’est du pulp.
Accoudé à un bar de l’aéroport de Philadelphie, Jack Eisley reconsidère son passé d’un œil désabusé. L’heure tardive incite au bilan, à l’examen de conscience. Un moment de pause avant le grand bouleversement à venir. Jack rencontre le lendemain matin son ex-épouse et son avocat, un as du barreau qui compte bien accrocher ses couilles à son tableau de chasse. Jack ne nourrit aucune illusion sur ce point : il va se faire écharper. En plein jet-lag, il noie son spleen dans la bière en attendant de regagner sa chambre d’hôtel.
Assise sur le tabouret d’à côté, une blonde l’accoste à brûle pourpoint. S’engage alors une conversation surréaliste. L’inconnue affirme avoir empoisonné le verre qu’il achève. Une toxine mortelle dont elle possède le seul antidote et qu’elle se propose de lui administrer s’il passe la nuit en sa compagnie. Flairant l’arnaque, Jack éconduit la belle. Quelques heures plus tard, vomissant glaires et sang au-dessus des toilettes, il peste contre sa méfiance. Pourquoi a-t-il décliné l’offre de la blonde inconnue ?
Dans le genre bigger than life, The Blonde s’impose comme une réussite. Le roman de Duane Swierczynski ne s’embarrasse pas d’un préambule besogneux. On embarque direct au cœur de l’action, au côté de la fine fleur des archétypes de la littérature populaire, autrement dit ces pulps auxquels l’auteur rend un hommage appuyé. Femme fatale en fuite, pauvre type poursuivi par la malchance, tueur au service d’une agence gouvernementale ultra-secrète, l’auteur ne ménage pas ses effets. Il ne craint pas non plus la surenchère et imprime à son histoire un rythme d’enfer, ne relâchant le lecteur qu’épuisé, un sourire comblé au coin des lèvres.
Avec The Blonde, tout est énorme. L’intrigue est marquée du sceau de l’extravagance. L’auteur fait appel au registre du burlesque pour animer son récit. Bagarres, cascades et situations abracadabrantes se succèdent, l’espace d’une nuit, comme une folie douce perturbant les recettes d’écriture du thriller. Duane Swierczynski bouscule les conventions du genre, inoculant une forte dose de dinguerie et d’humour noir, sans se soucier un seul instant de la vraisemblance des événements. Et le lecteur suit, voire même court, happé par le tempo de cette course-poursuite mâtiné d’un complot technoscientifique, conquis par la frénésie généreuse des personnages.
Au final, The Blonde est emblématique de cette littérature s’inscrivant de plain pied dans les genres et qui pourtant s’en amuse avec une impertinence potache. Affaire à suivre avec A toute allure, nouvel opus de Swierczynski qui en réalité précède The Blonde. L’édition, parfois, c’est bizarre…
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